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Nous avons matière à unir l’ensemble des Français.

Avertissement : Souveraine Tech revendique par vocation une approche transpartisane. Seule nous oblige la défense des intérêts supérieurs de notre pays. Nous proposons ainsi un lieu de "disputatio" ouvert aux grandes figures actives de tous horizons. La parole y est naturellement libre et n'engage que ceux qui la prennent ici. Cependant, nous sommes bien conscients des enjeux en présence, et peu dupes des habiles moyens d'influence plus ou moins visibles parfois mis en œuvre, et dont tout un chacun peut faire l'objet, ici comme ailleurs. Nous tenons la capacité de discernement de notre lectorat en une telle estime que nous le laissons seul juge de l’adéquation entre le dire et l’agir de nos invités.


Vendredi 1er mars 2024

Ancien officier, François BERT est fondateur d’Edelweiss RH et de l’Ecole du Discernement. Il vient de publier "Le discernement" aux éditions Artège.

 

1/ Qu'est-ce que peut le discernement contre l'hybris contemporaine ?

Le comportement moral de chaque personne garde sa part de mystère. Elle puise dans l’histoire de vie de celle-ci, ses blessures, ses frustrations et ses revanches. Néanmoins une part naturelle de la personnalité peut freiner la pente vers l’hybris : la disposition au discernement et ce, pour deux raisons. En premier lieu, parce que le discernement n’est pas égal d’une personne à l’autre : si nous sommes en effet tous, selon la formule biblique, « prêtres, prophètes et rois », il y a bien des « prêtres » (acteurs premiers du lien), « prophètes » (acteurs premiers du contenu (idées, avis, plans, expertises) et des « rois » (acteurs premiers de la décision donc du discernement, que je qualifie comme  l’art de donner aux choses la portée qu’elles méritent ) ; vous comprenez par conséquent la difficulté de notre époque : nous avons les mauvaises élites au pouvoir (Cf. mon premier livre Le temps des chefs est venu, Edelweiss Editions, 2016). En deuxième lieu précisément, parce que le discernement, dans son fonctionnement, est une écoute accumulée jusqu’à l’évidence, c’est-à-dire une écoute longue, continue, répétée… de la réalité : voilà qui ralentit les idées folles et les discours présomptueux, vers lesquels les « prophètes » (je pense donc je suis) et les prêtres (j’interagis donc je suis) ont tendance à aller.

2/ Notre époque a laissé de côté la recherche de la vérité pour la lutte contre les "fausses nouvelles". Qu'est-ce que cela dit de nous à vos yeux ?

Tout lien avec le paragraphe précédent serait fortuit… On ne recherche pas la vérité, on ne veut qu’exprimer « sa vérité » (fût-elle surgie d’un délire passager) et/ou son « émotion » (fût-elle entretenue sans mise à distance par un ressentiment obsessionnel) ; on laisse en somme le pouvoir aux idées pures (prophètes) ou aux ressentis de circonstance (prêtres). Il y a deux types de fausses nouvelles : celles qui sont effectivement créées de toutes pièces et méritent d’être dénoncées comme telles et celles qui ont comme unique tort de ne pas coller à la doxa officielle. Un pouvoir qui fait de la lutte contre les fausses nouvelles un cheval de bataille se doit d’être irréprochable ; or, pendant la crise du COVID notamment, il a délibérément menti. Les instances de vérifications sont elles aussi souvent à géométrie variable. En réalité, le mal est plus profond : à force de confondre image et réalité, on a installé une pathologie narcissique institutionnelle ; c’est le portrait de Dorian Gray : comme dans le roman éponyme, on donne l’apparence publique d’une incapacité aux défauts, à l’imperfection, aux erreurs et on laisse, dans le grenier sombre qui est en l’occurrence la France invisible, le mal réel faire son effet dévastateur loin des regards, au détriment des plus vulnérables. Tout chef sait qu’il fera des erreurs : il fait la preuve de son action sur le temps long, avec l’obsession de rebondir sur les difficultés et non pas de prouver qu’il est parfait (Cf. « Il n’y a jamais eu de problèmes de masques » formulé par le Président après qu’il fut constaté par tous pendant la période COVID : plus opportun eût été de reconnaître l’erreur mais de mettre à contribution l’ensemble des machines à coudre du pays pour la pallier).

3/ Quel regard l'ancien officier de Légion porte-t-il sur la guerre cognitive dans laquelle se trouve notre pays (peut-être même sans le savoir) ?

L’enjeu auquel tout officier est confronté est le juste équilibre entre le respect collectif de la discipline et la libre appréciation des situations. Contrairement aux idées reçues, il y a à la Légion une grande subsidiarité : le caporal de Légion (premier grade) est déjà un « seigneur », très respecté et autonome ; ainsi à fortiori des sous-officiers ; c’est parfois chez les officiers, où les rites d’appartenance sont très prégnants, que la liberté de parole perd un peu de ses droits. Les réseaux sociaux agissent sur les sociétés en fonction de ce même équilibre entre interdépendance collective et autonomie de jugement. Se protéger des intrusions et des influences est une bonne chose et la première urgence, qui donne à la cybersécurité tout son rôle, mais le plus important est, d’ores et déjà, d’apporter aux citoyens une capacité autonome d’appréciation qui s’appelle … le discernement.

4/ Comment comprenez-vous les réticences des financeurs pour notre industrie de la défense et de la sécurité, en pleines louanges à l'endroit de la durabilité ? Pour durer, il faut commencer par se mettre à l'abri du danger, n'est-ce pas ?

Gouverner c’est prévoir et, même, mieux, anticiper. Encore faut-il pour cela être dans un espace-temps stratégico-industriel et non pas médiatico-financier. Les médias sont des traders d’émotion, et s’accordent bien en cela avec une tentation financière contemporaine, celle des gains immédiats et du choix prioritaire de l’image sur l’action de long terme. Il ne faut pas généraliser bien sûr mais la durabilité a tendance à devenir un « indicateur marketing » plus qu’une disposition réelle de vie quotidienne. Il est fou de voir le manque de silence, de solitude et de recul dans les instances dirigeantes : c’est pourtant là, au calme, que s’évalue la possibilité de s’extraire du brouhaha pour devenir acteur de sa propre trajectoire et donc voir loin. Si vis pacem, para bellum, c’est vieux comme le monde. Il y a dans notre pays une forme d’inconséquence généralisée dont tirent bien sûr parti nos concurrents et ennemis géopolitiques et qui constitue pour nous une menace à moyen terme.

5/ Nos start-up ont-elles selon vous souffert de l'idée en vogue selon laquelle l'autorité ne peut émaner que de la base et du dialogue ?

Cette question vient à point nommé pour faire le lien avec la question précédente. La sensation d’émiettement de la gouvernance de notre nation vient de ce qu’il manque une notion-clef sur laquelle repose l’autorité : la mission. Il y a deux vertiges de l’autorité : celle de la loi, chère aux prophètes (ma pensée exhaustive à l’instant t vaut pour toutes les situations à venir ; cela donne notamment certains règlements ubuesques de l’union européenne) et celle du lien, chère aux prêtres (tant que tout le monde s’entend ou que je prends soin des gens tout va bien ; cela donne respectivement François Hollande et Louis XVI). L’autorité transcende ces deux vertiges en étant, selon ma propre définition, la puissance d’accomplissement de la mission. On reconnait un chef parce qu’il permet au collectif, par la qualité de ses décisions, de remplir sa mission. Celle-ci est en quelque sorte une « transcendance opérationnelle », à laquelle le groupe peut se raccorder, avec d’autant plus de force qu’un chef apte au discernement sait l’actualiser et donner ainsi à l’effort collectif son meilleur débouché, sa plus grande utilité. Dans les start-up, les vertiges de l’autorité (celle de la bonne idée tyrannique à la Steve Job des débuts) ou celle du lien (comme l’application radicale de « l’entreprise libérée ») font des dégâts humains et opérationnels considérables. Elles oublient deux réalités : il existe des personnalités toxiques qui sans chef deviennent « des renards libres dans des poulaillers libres » ; sans un esprit autonome capable de trancher, il n’y a ni direction claire, ni réorientation possible : dans un marché en perpétuel changement, c’est fatal. Reste qu’un chef pour discerner doit bien sûr beaucoup écouter et, pour faire avancer le collectif, générer à son tour beaucoup d’autonomie dans l’action de ses collaborateurs.

6/ L'Europe se passionne pour la règle impeccable et sa stricte observance en matière de concurrence, mais se défie de toute forme d'expression de sa puissance. Comment expliquez-vous cela ? Dit autrement, elle se voit comme un marché, et pas comme un champion de ce marché.

Voilà qui est bien résumé. « La politique d’un état est dans sa géographie » disait Napoléon. Comment coaliser sur une politique unie des polarités, histoires, cercles d’influences, réalités démographiques aussi opposées que celle des pays européens. Il y a donc dès le départ un hiatus stratégique, que la politique étrangère de l’union démontre, pathétiquement, au quotidien. S’y ajoute la réalité de la prise de décision collective : le temps qu’un accord soit trouvé il est souvent trop tard ou le consensus obtenu a vidé l’idée initiale de sa substance. En réalité, l’Europe devrait fonctionner comme un GIE : mise à disposition facilitée des moyens pour tous et liberté de décision par petites coalitions. Europol et Eurojust, saisis par les pays à l’apparition de sujets de terrain, nous montrent ce qui peut marcher. Il s’agit de permettre, si l’on reprend les trois principes de la guerre chers au maréchal Foch, à un maximum de pays européens d’être champions en cumulant « économie (collective) des moyens », « liberté (individuelle) d’action » et « concentration des efforts » sur ce qui est essentiel (et non disperser des quantités d’argent et d’efforts considérables sur des causes secondaires et des règlements inutiles).

7/ Observez-vous chez nous un réveil de ce que l'institution militaire désigne sous le nom de "forces morales" ?

Je vois beaucoup d’initiatives allant dans ce sens, et d’actes individuels héroïques en témoignant (Henri d’Anselme à Annecy ; Alan à Dublin) mais je ne constate pas pour autant un réveil. L’individualisme plombe encore considérablement nos sociétés alors qu’existe pourtant, immense, une soif d’élévation individuelle et collective. Quatre choses la freinent : la peur liée au poids écrasant des règlements (porter secours à quelqu’un dans la rue, se défendre, ramasser un scooter tombé, c’est tellement de complications potentielles qu’on préfère les éviter) ; la détestation quasi-systémique de ce qui fit et fait la grandeur française dans l’éducation nationale et la vie culturelle (cinéma, expositions, colloques,…) ; la disparition des figures d’autorité (parents, professeurs) et de ce qu’elles permettent en termes d’éducation à la volonté et à l’effort, quand règne le pouvoir du zapping et du ressentiment; l’absence de la mission dont nous parlions précédemment (on ne se lève pas tous les jours pour consommer moins, jeter les piles et trier ses poubelles mais parce qu’on participe à une grandeur partagée (rendre service, protéger ses concitoyens, relever un défi technique, rebâtir une cathédrale)). L’élan partagé ne se crée pas par des « modules de com » portés par des professionnels d’estrade et de plateaux : il y besoin d’une digestion lente de l’essentiel avant une parole rare, incarnée, déclinée en associant chaque échelon sur la part d’action et d’initiative qui lui revient. La disparition du service militaire fut selon moi l’erreur majeure de ce demi-siècle ; pour le remplacer, il faudra une durée suffisamment longue et une culture du dépassement suffisamment traduite en actes pour que « faire nation » devienne une réalité transpirée et non une incantation de pupitre.

8/ On avait l'habitude d'entendre qu'avec l'Union européenne, la souveraineté se divisait. Une récente tribune explique, ô miracle, qu'elle s'en trouve multipliée. Est-ce que la vieille dispute entre réalistes et nominalistes n'est pas finalement d'une étonnante actualité ?

Sans doute et, derrière elle, celle des prophètes, des prêtres et des rois. Pour rester dans la philosophie, les prophètes disent « je pense donc je suis » : Descartes a fait en somme un grand lapsus de personnalité ; comme tous les cérébraux, il fait partir la réalité de sa tête. Les prêtres disent « j’interagis donc je suis » : ils sont dans une quête autre que la dénomination des choses ; ils recherchent ce qui fait vivre le lien entre les personnes. Les rois disent « j’écoute [pas seulement les gens mais aussi le contexte] donc je discerne, donc je suis ; ils accèdent ainsi à la réalité de l’action possible et non aux principes théoriques conjecturés par raisonnement. L’Union européenne est la création d’une souveraineté de principe que la réalité contredit, pour les raisons évoquées plus haut. Pour moi elle ne multiplie pas ni ne divise la souveraineté, elle la paralyse. « Il faut que celui qui tienne le marteau soit aussi celui qui tienne le clou » dit le bon sens paysan : le marteau européen est non seulement devenu insoulevable en raison de son poids législatif, mais il est surtout paralysé par vingt-sept mains qui veulent l’utiliser en même temps pour leurs clous respectifs.

9/ Comment voyez-vous l'évolution de la notion de risque avec la désintermédiation croissante entre belligérants, que permet les récentes avancées technologiques ?

Un risque est « calculé » quand celui qui le prend en possède les leviers. Tiens, revoilà le marteau et le clou. La désintermédiation prive les belligérants d’autant de strates de cerveaux capables d’apprécier le risque de manière autonome. S’il est vrai que l’information peut-être mieux qualifiée par l’entremise des avancées technologiques, encore faut-il pouvoir la contextualiser pour en mesurer la portée dans l’espace et dans le temps. La désintermédiation a donné, en finance, toutes les pratiques de trading et de « produits structurés », conçu de A à Z avec leur logique propre, sans rapport les uns avec les autres, jusqu’à faire craquer le système quand un cas non conforme se produit (subprimes, Lehman Brothers, affaire Kerviel, etc.). Seul le cerveau humain, via le discernement, peut appréhender un contexte. Aucune intelligence artificielle ne pourra y parvenir. Contrairement à ce que croient les experts pétris de certitudes, diminuer le risque n’est pas le modéliser mais au contraire permettre de le saisir par autant de cerveaux concernés dans chacun de ses contextes. Un officier de ma connaissance avait ainsi su renforcer la sécurité de son dispositif lors d’un mandat ONU au Sud Liban en prenant la liberté de ne pas appliquer le process répliqué partout sur la frontière (et donc exposant toute la ligne si découvert) mais en donnant plutôt à chaque chef de l’échelon intermédiaire un effet à obtenir de façon à ce que chacun le décline avec ses propres idées et ses propres moyens.

10/ Vous êtes un descendant de Jacques Cathelineau. Comment croyez-vous qu'il occuperait ses jours en 2024 ?

Oui j’ai l’honneur de descendre en ligne directe de cet humble voiturier-colporteur, promoteur de l’insurrection vendéenne en 1793 et devenu, à l’acclamation générale, son premier généralissime. Jacques Cathelineau passerait son temps à écouter, d’abord. Les signes des temps, en silence. Les gens bien sûr aussi. A tempérer les excès d’emportement idéologiques. Il faut mettre du courage dans le comportement plutôt que de l’intensité aux idées. Cela veut dire rester calme et écouter le moment et la bonne modalité de l’action. A rassembler enfin, et c’est lié, les gens sur leurs talents davantage que sur leurs appartenances sociales ou idéologiques. Le talent est universel, dans ses possibilités de recrutement (nous avons tous un talent et nous nous complétons) comme dans son utilité. Les idées clivent, opposent les Français entre eux et font des coalitions improbables et stériles. Les guerres de Vendée et la chouannerie ont rassemblé l’ensemble des strates sociales sur des attachements très concrets du quotidien (l’autorité légitime (du roi en l’occurrence, après 13 siècles de monarchie), le maintien aux champs (et non un départ en Europe pour une « évangélisation républicaine » des autres nations (levée en masse)), la pratique libre de la religion). Ces deux derniers points ont été rétablis plus tard, et non sans lien avec le sacrifice consenti face à un pouvoir devenu inique. L’énergie unanime d’une région pour ce qui faisait le sens de son quotidien peut être transposable au niveau d’une nation. La Grande Guerre nous l’a, tragiquement, montré, Grande Guerre où tant de Vendéens sont morts aussi, car l’attachement à la patrie refleurit même dans les territoires meurtris. Aujourd’hui, nous avons matière à unir l’ensemble des Français sur ce qui fait son essentiel (le sens concret de la justice, la prospérité de ses terroirs et de ses talents, ses merveilles culturelles et spirituelles). Jacques Cathelineau a contribué à cet essentiel. Il nous inspirerait aujourd’hui par son courage et sa sagesse.

11/ Comment comprenez-vous la carte que joue actuellement la France vis-vis à des conflits actuels, par rapport à ses alliés d'hier et d'aujourd'hui ?

Je crois qu’hélas cette carte est assez illisible, tant elle dépend à la fois de la politique intérieure et des impératifs émotionnels des médias mondiaux. La France a par son passé toujours voulu être une puissance d’équilibre, soucieuse d’indépendance et de non-alignement. Le président Macron a eu la bonne idée au départ de vouloir maintenir le dialogue avec la Russie au début de la guerre en Ukraine. Il est bien dommage qu’il n’ait su persévérer dans cette voie, en révélant notamment ses échanges privés avec Vladimir Poutine. La dilution de la position de la France dans celle de l’Union européenne et celle de cette dernière dans la position américaine ont considérablement affaibli la crédibilité de la France à un moment où, sous les coups de boutoir de Wagner notamment, elle perdait coup sur coup ses attaches et son influence en Afrique. Sur le conflit israélo-palestinien, le « en même temps » présidentiel a fini par mécontenter tout le monde, en oscillant trop rapidement d’une émotion à l’autre au détriment d’une position claire et d’une construction écoutée de sortie de crise. Quelles que soient les qualités de l’homme, la nomination de Pierre Séjourné aux Affaires étrangères, dixième dans l’ordre protocolaire et connu d’abord pour ses liens intimes avec le premier ministre, a envoyé un signal négatif sur la place accordée par l’Etat français à sa diplomatie. Je crois qu’il manque tout bonnement une stratégie à la France, que l’horizon du quinquennat et sa mécanique électorale immédiate saborde d’emblée.

12/ Les trois dernières années se sont montrées rudes pour nous tous. Comment notre monde peut-il à nouveau concevoir demain avec une forme d'ardeur et d'enthousiasme, tout en ayant intégré l'idée d'une menace permanente, et pour les corps, et pour les esprits ?

Pour aller jusqu’au bout partons du bon endroit… Chacun, à son niveau, doit – et peut- se recentrer sur son « espace de règne ». Nous l’évoquions, le talent sauve le monde plus que les idées. Trop de citoyens sont des « idéoctaunes », vivant dans leurs têtes ou dans leurs ressentiments. Etonnamment, et j’en témoigne comme orienteur professionnel ayant accompagné plus de mille personnes, c’est à partir du moment où l’on se concentre sur son talent propre que viennent s’aligner à soi les opportunités et, avec elles, le plus grand impact à nos actions. Être fécond, en somme, c’est être soi d’abord (et pas l’image de soi…). A un niveau plus général, et voilà qui reboucle avec nos propos de début d’interview et rebondit sur le point précédent, il nous faut changer le casting de nos élites, afin que l’élan collectif soit permis par une mission claire, sans les divisions partisanes et la superficialité pleine d’impuissance des émotions. L’Education nationale a un rôle majeur à jouer, avec un triple objectif : transmettre les savoir-faire essentiels pour permettre des citoyens autonomes (lire, écrire, compter) et activer ensuite des filières d’excellence ; donner accès aux trésors de richesses de notre patrimoine historique et culturel pour créer de la fierté ; favoriser l’éclosion de toutes les personnalités (en particulier celle des chefs, introvertis et plus lents, souvent, car « discernants »), en permettant notamment l’exercice de l’autorité et de la responsabilité le plus tôt possible (« élèves de jours » ; « animation de groupe » ; etc.). Enfin, et c’est notamment l’objet de l’avant dernier chapitre de mon livre, notre besoin est celui d’une subsidiarité authentique (j’en détaille les modalités) pour que chaque échelon de la vie sociale se sente impliqué et devienne pro-actif. L’erreur savante est d’avoir la prétention de tout planifier, avec pour conséquence de tout inhiber ; un chef comprend que la vitalité d’une nation réside dans le réservoir de ses initiatives, de sa créativité et de son sens de l’engagement. Il s’évertue dès lors à en favoriser le réveil et l’expression, car, comme nous le dit Charles Péguy, « il ne se peut pas que les Français soient lâches mais ils ont oublié qu’ils étaient courageux ».

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