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L’européisme est une tumeur juridique qui ronge la démocratie française.

Nous recevons aujourd'hui Guillaume Bigot, qui est membre de Front Populaire, essayiste, politologue et éditorialiste (CNEWS, Sud Radio) et Président de France souveraine.

1/ Qu'est-ce ce qui explique selon vous le retour en grâce de l'idée d'une “nécessaire souveraineté” selon l'expression de Coralie Delaume ? 

La combinaison du virus chinois et du char russe, le retour de la pandémie et de la guerre ont rappelé que la souveraineté n’est pas un choix mais une nécessité vitale. La souveraineté appartient au pouvoir qui détient le monopole de la violence légitime au sens de Weber. Car que l’on cesse de se raconter des histoires, même si la peine de mort a été abolie, le pouvoir de l’État, le pouvoir souverain garde le droit de tuer. Les policiers portent des armes létales. Si vous avez ce pouvoir là, vous l’exercez au nom de la légalité mais aussi et surtout au nom de la légitimité. Est souverain, le pouvoir qui a le droit de décréter l’état d’exception.

Ce qui revient, au nom de la légitimité à avoir le droit de suspendre (temporairement) la légalité. Si vous avez ce droit-là (cf. L’article 16) alors vous avez a fortiori celui de suspendre les règles de la concurrence. La souveraineté, c’est l’autonomie et pas l’autarcie. Mais ce peut être, par exception, la possibilité, si besoin et au nom de la sécurité collective, de décréter l’autarcie sur certains biens ou produits : les médicaments, l’eau, la nourriture, l’armement etc.

2/ Haro, cependant, sur le “souverainisme”, qui porterait presque le sceau de la Bête. Comment réagissez-vous à cette mise à l'index lexical ? 

Je n’ai jamais goûté cette expression de souverainisme importée du Québec par Paul-Marie Couteaux. C’est précisément lorsque la chose a disparu que le mot fait florès. D’ailleurs, on ne parlait pas de souverainisme avant 1992. Et on en parle de plus en plus depuis 2005. Outre le fait que ce mot sent la défaite, se dire souverainiste signifie que l’on admet que les partisans de la souveraineté légale et constitutionnelle appartiendraient à des partis spécifiques (généralement taxés d’extrême droite) et partageraient une idéologie spécifique (le souverainisme). Or, tous ceux qui se présentent au suffrage devraient être souverainistes c’est-à-dire respectueux de la Constitution et de la démocratie. Je pense qu’il faut inverser les propositions. Ce ne sont pas les défenseurs de la constitution et de la démocratie qui partagent une idéologie dont les penchants anti démocratiques et anti républicains méritent d’être questionnés. Et pourtant, de manière ironique, les partis et les candidats qui défendent le dépassement de la démocratie directe nationale par un machin bruxellois se disent républicains et s’arrogent même le monopole de ce qualificatif.

3/ Quelles sont selon vous les racines intellectuelles et culturelles de notre perte de souveraineté ?

Elles se trouvent d’abord dans le délire platonicien du gouvernement des experts avec ses multiples déclinaisons technocratiques. Ce fantasme débouche sur un gouvernement mondial et in fine sur l’abolition du politique. Ces racines puisent ensuite dans l’hystérèse du totalitarisme sur le vieux continent. L’hystérèse est un mot compliqué qui correspond à une idée simple : chat échaudé craint l’eau froide. Les élites européennes ont retenu de l’avènement du nazisme que la démocratie pouvait se suicider par la voie du suffrage universel. Il n’y a donc pas de hasard à ce que la construction européenne soit un corset de fer destiné à empêcher les passions populaires nationales de fauter à nouveau. L’UE n’est pas seulement une piscine purificatrice pour l’Allemagne, c’est aussi une machine à démonétiser la souveraineté nationale. La peur du communisme a aussi hanté les Européens jusqu’à la chute du mur de Berlin. Le fait que les traités européens gravent dans le marbre les principes de libre concurrence n’est pas anodin. Il faut empêcher les peuples de tourner le volant économique par peur du socialisme. Vous remarquerez qu’une politique économique anti-sociale, anti socialiste est imposée par les traités européens. Le protectionisme est interdit. Les aides d’État sont interdits. L’utilisation de la monnaie pour dévaluer est interdite. Ironie de l’histoire, l’UE est un totalitarisme anti-totalitaire. Le drapeau européen est, comme celui de l’URSS ou du troisième Reich, un drapeau idéologique. Le drapeau d’une idéologie bisounours anti-idéologie.

4/ Est-ce que le thème de la souveraineté n'a pas été insidieusement réhabilité pour l'appliquer plus facilement, par substitution, à l'échelle communautaire ? 

Si, mais c’est évidemment un oxymore. Rien ne lèse autant la souveraineté nationale et démocratique (ce sont les deux faces d’une même pièce) que la construction européenne. On peut parler d’autonomie de l’UE, de son indépendance mais pas de souveraineté européenne sans se moquer du peuple et sans vouloir le dépouiller. Pourquoi ? Très simplement parce qu’il n’y a pas de peuple européen, pas d’agora européenne et pas d’affectio societatis européen en dehors d’un petit cercle de privilégiés écervelés. Cette absence d’adhésion sentimentale à l’UE implique une absence d’armée et de police européenne. On ne tue pas et on ne meurt pas au nom du drapeau européen.

5/ Les pays ne manquent pas qui, quoiqu'étant parfaitement démocratiques, protègent leur économie, défendent leurs frontières, célèbrent leur nation. Que nous est-il arrivé en France ? 

Nous avons la classe dirigeante la plus médiocre depuis les Mérovingiens, Macron inclus. Nous avons aussi une classe dirigeante vendue à l’étranger : Allemagne, Chine ou Etats-Unis. Cette trahison est généralement revêtue des oripeaux de l’ouverture, de la mondialisation, du cercle de la raison, de la solidarité atlantique. L’UE réalise ce fantastique et paradoxal exploit de se coucher à la fois aux pieds de Washington et de Pékin.

6/ Vous n'hésitez pas à évoquer la responsabilité de nos élites dans la situation de notre pays. Qui sont ces élites et en quoi les jugez-vous coupables ? 

Je préfère parler de classe dirigeante que d’élite. Élite est un terme positif et valorisant que ceux qui feignent de nous diriger ne méritent pas.  Notre classe dirigeante actuelle illustre parfaitement cette loi parfaitement résumée par Chateaubriand : « L'aristocratie a trois âges successifs: l'âge des supériorités, l'âge des privilèges, l'âge des vanités; sortie du premier, elle dégénère dans le second et s'éteint dans le dernier. » Notre classe dirigeante est surtout coupable de s’être ossifiée, calcifiée, de ne plus avoir accueilli de sang neuf en son sein. Les énarques sont presque tous des enfants d’énarques. Et puis sans vouloir atténuer leur culpabilité, il y a une pente naturelle en France qui, depuis toujours, incite les élites à la trahison. Il est fascinant de lire la Guerre des Gaules et de constater que les Romains faisaient déjà avec les chefs gaulois ce que le département d’Etat américain fait avec les Young European leaders : flatter la vanité de leurs progéniture en les invitant dans la métropole impériale pour leur chuchoter à l’oreille qu’ils méritent de devenir romain ou américain.

7/ La technologie, c'est d'abord le discours sur le rapport à l'outil. Comprenez-vous que nous en cédions si facilement le contrôle aux États-Unis ou à la Chine ? 

Le mot a disparu avant la chose pour le coup. L’usine, l’industrie, la production, l’artisanat, la matière, la pratique tout cela n’a cessé d’être dévalorisé depuis les années 70 du siècle dernier. Avant d’être liquidé, délocalisé, fermé, uberisé, disrupté. De la fermeture des hauts fourneaux jusqu’à l’entreprise sans usines défendue par ce crétin sur-diplômé de Serge Tchuruk, cela fait bien longtemps que l’on ne rêve plus de Concorde, de TGV ou de centrales nucléaires en France. Que de gâchis interne, que d’auto sabordage avant même le démarrage de la grande braderie. Il y a la prédation étrangère dont Alstom est l’exemple le plus emblématique, mais il y a aussi le luddisme des énarques qui arrivent aux commandes de grands groupes privatisés. France Telecom était un extraordinaire coffre fort financier et technologique à la fin des années 90. Une fois privatisé, Orange devient une vulgaire épicerie surendettée. Or, nous sommes à la veille de l’explosion mondiale des technologies de l’information, à l’aube de la convergence numérique. La France avait alors plus qu’une longueur d’avance. Quant à la filière nucléaire, je préfère ne pas y penser. Ceux qui sont responsables de tels gâchis devront un jour rendre des comptes. Finalement l’incompétence crasse des soi-disant élites forment des causes de déchéance plus efficaces encore que leur esprit de trahison ou leur goût du lucre. En 40, il y avait déjà une cinquième colonne qui disait mieux vaut Hitler que Blum. Mais la bêtise des diplômés de l’école de guerre jouera tout de même le rôle décisif dans la débâcle.

8/ La souveraineté est dans les mains du “peuple”. Mais à quoi peut bien correspondre aujourd'hui cette fiction romantique à l'heure des incessantes discordes qui fracturent notre pays ?  

Le droit est toujours un peu une fiction. Personne n’a jamais dîné avec une personne morale. Le peuple est certes une fiction juridique mais qui engendre une réalité de chair et de sang. La France est de même un récit et un projet depuis ses origines.

Je crois que le problème de la France archipelisée est le même que celui de la France nostalgique ou de la vision identitaire de la souveraineté. Le passé peut être un tremplin lorsque l’on a un projet. Un destin. Une ambition. Le passé est à la fois un boulet et un diviseur lorsque l’on veut faire de l’identité une politique. Un peuple, une nation, c’est comme un vélo cela doit rouler pour ne pas tomber. Sans ambition nationale, le plébiscite est condamné à être perdu tous les soirs en banlieue mais aussi chez les bobos post-nationaux. La fracturation du pays et son affaiblissement résultent en grande partie de l’idée fausse de la taille comme facteur d’impuissance. Dire aux Français, la France ne compte plus et vous êtes des nains, c’est renvoyer les uns à une nostalgie aigrie et les autres à un ressentiment revanchard. “La France est trop petite” n’est pas seulement une idée fausse, c’est une prophétie auto-réalisatrice. Et il n’y a pas que les descendants des Algériens et des Maliens qui peuvent mariner dans leur ressentiment. Les Corses, les Bretons ou les Basques y arrivent aussi très bien. La France par un paradoxe assez simple est le pays le plus divers, le plus divisé du monde et pour cette même raison le plus unifié et le plus centraliste. Si le centre n’a plus de projet alors gare à la dislocation et au retour du refoulé.

9/ Certains éditorialistes n'hésitent pas à dire que le référendum serait “une maladie de la démocratie”. C'est grave, docteur ? 

Répondons-leur que l’européisme est une tumeur juridique qui ronge la démocratie française. Elle demeure bénigne tant que le pouvoir militaire, celui de justice et de police n’auront pas été transférés. Puisqu’au fond, le pouvoir reste au bout du fusil. Auparavant, le communisme de 1917 jusqu’en 1991, puis avant encore le fascisme entre 1924 et 1944 avaient tenté de mettre en péril et l’indépendance de la France et la démocratie qui se sont confondus depuis la Révolution.

10/ Vous connaissez bien l'entreprise. Quelle mesure prendriez-vous chez nous, pour la disposer mieux encore au succès ? 

Que l’Etat cesse d’être un frein pour devenir un moteur. Or, nous sommes enfermés dans un dilemme stérile entre une intervention punitive fiscale et tracassière et un retrait de la puissance publique de la sphère économique qui nous laisse comme des pantins désarticulés face à une concurrence qui est en réalité une compétition organisée par et pour des États n’ayant pas renoncé à la puissance.

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