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Newsletter n°37 - 23 septembre 2022

      ⭕️ Édito

Un tropisme bien français

L'invité de notre grand entretien de ce jour considère à un moment de l'interview que "sans une presse d'enquête, il est impossible de développer une industrie indépendante. Cela suppose de financer cette presse." L'écosystème des technologies dites souveraines, qui évolue entre grand public et grands groupes, a bien conscience de la nécessité de les sensibiliser à l'opportunité de recourir à ses offres. Il a pour cela besoin de médias qui prennent fait et cause pour sa proposition de valeur, à temps et à contretemps. Mais un tropisme bien français veut qu'il ne soit pas - ou si peu - prêt à dépenser le moindre centime pour cela. Il y a des startups qui naissent dans des garages, et des médias qui voient le jour dans des salles à manger. Sans moyens, les unes pas plus que les autres n'ont d'avenir.

Bertrand Leblanc-Barbedienne

 

Nous recevons aujourd'hui Jean-Paul Smets qui est le CEO de Rapid.Space et de Nexedi

Tant que l'on ne changera pas les mécanismes de politique industrielle, la majeure partie des aides françaises dans le numérique continuera de favoriser indirectement l'industrie américaine.

 

⭕️ Le grand entretien

1/ Vous dites que "tout existe en Europe en matière de cloud". Pouvez-vous développer svp ?

De la même façon que le Web a été inventé en Suisse au CERN, que le langage No 1 de programmation dans le monde, Python, vient des Pays-Bas, ou que la librairie No 1 de l'IA, scikit-learn, vient de l'INRIA en France, presque toutes les technologies de cloud ont été créées en Europe.

La théorie des promesses, imaginée par Mark Burgess en 1993, est au coeur du cloud de Facebook et à l'origine des principes d'auto-réparation que l'on retrouve dans tous les grands clouds.
Les containers datent de 1999 avec Poul-Henning Kamp et les jails dans FreeBSD.
La virtualisation libre, c'est en 2003 avec Fabrice Bellard et qemu.
Les workspaces collaboratifs remontent à 2004 avec le SaaS Jamespot né à Montreuil.
Les concepts de page personnalisée et de widgets ont été lancés en 2005 avec Tariq Krim dont le service Netvibes était l'un des rare services Web 2.0 européens à devenir très populaire aux États Unis.
Le Platform as a Service est né en 2005 avec Zimki au Royaume-Uni.
Le edge computing date de 2009 avec Nexedi et les premiers noeuds furent déployés chez Bouygues Télécom en 2010.
La virtualisation des réseaux 5G date de 2012 avec Amarisoft dont la technologie est désormais au coeur de plusieurs réseaux de télécom.
Ajoutons Linbit qui, avec le logiciel de virtualisation de stockage "drbd", est au cœur de plusieurs services du cloud d'Amazon, notamment dans le domaine des bases de données à hautes performances.
Plus récemment, Clever Cloud avec le logiciel "biscuit" a créé la brique de gestion des droits d'accès qui est indispensable à toute architecture multi-cloud.

On a donc tout ce qu'il faut en Europe en matière de technologies de cloud. Nous avons identifié au sein d'EUCLIDIA, l'alliance européenne des industriels du cloud, plus de 100 fournisseurs européens et plus de 300 solutions à succès dans le domaine des technologies du cloud. L'annuaire de ces solutions sera présenté lors d'une conférence organisée le 29 septembre à Bruxelles à laquelle sont invités tous les décideurs et professionnels (https://mobilizon.fr/events/4fa27543-20d6-42fc-9241-0bce7583ee17).

Ces technologies européennes sont souvent intégrées par les grands opérateurs de cloud américains ou chinois au travers de catalogues unifiés. En Europe, l'offre de cloud est pour l'instant éparpillée, ce qui réduit leur visibilité.

Références :
https://www.fdl-lef.org/EUCLIDIA-Presentation.European.Strateg


2/ Est-il vrai qu'il faut aller dans les pays scandinaves ou en Asie pour trouver un bon équipementier Télécom de bout en bout ?

Les cinq équipementiers leaders sont, en effet, originaires du nord de l'Europe et de l'Asie : Ericsson (Suède), Nokia (Finlande), Huawei (Chine), ZTE (Chine) et Samsung (Corée).

Certains de ces équipementiers ont fait le pari de la virtualisation pour leurs réseaux, ce que l'on appelle le vRAN. C'est notamment le cas de Samsung qui est le plus en avance commercialement et dont les parts de marché dans les stations de base ont connu un doublement en deux ans. Or, les deux seuls fournisseurs de logiciels de virtualisation radio 5G pour les stations de base d'opérateurs sont Intel (USA) et Amarisoft (France). Il est donc probable que Samsung utilise l'un ou l'autre.

C'est grâce à Amarisoft que Rapid.Space a pu devenir le seul équipementier français d'infrastructures 5G de bout-en-bout puisque nous produisons en France tous les éléments d'un réseau de télécommunication radio : tête radio, station de base, coeur de réseau, système de routage, logiciel de gestion du réseau appelé aussi "OSS/BSS", facturation, big data, etc. Nous intégrons également des équipements radio du bordelais AW2S. Nous avons récemment signé deux partenariats en Asie, dans les réseaux privés et avec un opérateur de rang 1. Nous sommes en train de déployer un réseau commercial.

Aux États-Unis, des sociétés telles que Mavenir tentent de fournir des réseaux 5G de bout en bout sur la base d'une technologie issue d'Intel qui oblige à changer d'architecture et à s'éloigner des standards européens du 3GPP. Ces sociétés bénéficient du soutien d'anciens hauts fonctionnaires à Washington dans le domaine du commerce extérieur. Elles bénéficient aussi de la loi "rip and replace" votée aux Etats-Unis et qui oblige à remplacer à tout prix les équipements Huawei déjà déployés. Mais, contrairement à Samsung ou Amarisoft, le marché ne semble pas convaincu ce qui a conduit à de nombreux licenciements depuis quelques mois.

La force des solutions françaises de vRAN 5G et de leurs partenaires en Europe, aux États-Unis et en Asie, est d'être compatible avec les matériels existants. Pas besoin de tout remplacer pour adopter une 5G virtualisée et innovante. Pas besoin non plus de jeter les équipements 4G ou de forcer les utilisateurs à changer de smartphone. L'écosystème européen, regroupé sous la bannière "SimpleRAN", est à la fois plus simple, moins coûteux et plus respectueux de l'environnement avec une 5G qui permet de moins consommer d'énergie qu'en 4G.

Références :
https://www.statista.com/statistics/1134472/global-mobile-base-station-vendor-market-share/
https://www.rcrwireless.com/20220817/open_ran/mavenir-sales-job-cuts-suggest-shifting-open-ran-market
https://www.thefastmode.com/technology-solutions/27384-nec-mavenir-deploy-mmimo-on-oranges-5g-sa-experimental-network-in-france


3/ Comment expliquez-vous que la bonne volonté de nos politiques semble inéluctablement se heurter à des obstacles de terrain ? Où cela bloque t-il selon vous ?

Vous avez raison de parler de "bonne volonté" car presque tous nos politiques sont attachés à la souveraineté numérique, aussi bien au sein du gouvernement que dans l'opposition. La souveraineté numérique est un sujet transpartisan et, de plus en plus, européen. C'est comme pour les avions de chasse : vous ne trouverez pratiquement aucun politique d'aucun bord en France pour défendre l'achat de F-35 contre le Rafale. Les rares personnes qui tentent encore d'associer la souveraineté numérique à des opinions extrêmes sont, le plus souvent, des partenaires commerciaux ou des lobbyistes des big tech américaines.

Prenons l'exemple de la 5G.

Le leader de la radio 5G virtualisée dans le monde est la société française Amarisoft en pleine croissance. Mais Orange, dont l'Etat est actionnaire, soutient les technologies américaines d'Intel et de Mavenir tout en excluant obstinément les technologies françaises de 5G, dont celle de Rapid.Space, qui sont pourtant exportées partout dans le monde : Etats-Unis, Chine, Japon, Thaïlande, Allemagne, Corée, etc.

Orange agit ainsi comme un obstacle à la bonne volonté des politiques.

De son côté, l'Etat français a affecté près d'un milliard pour une politique d'accélération industrielle de la 5G. Cela semble très positif et pourrait faire croire à un ministre que sa bonne volonté a été traduite dans les faits.

Mais, sur ce milliard, 30 millions vont à un institut de recherche qui développe avec plusieurs années de retard ce que vend et exporte déjà Amarisoft. Et une grande partie de ce milliard va à des intégrateurs ou à des opérateurs de télécommunication qui soutiennent les technologies américaines de 5G, celles-là mêmes qui rencontrent des difficultés sur le terrain ou conduisent à des licenciements aux Etats-Unis. Résultat : la part de l'effort de l'État pour accélérer l'adoption effective de technologies françaises ou européennes de 5G fiables est très inférieure à la part qui accélère l'adoption de technologies américaines de 5G ayant rencontré des difficultés d'adoption sur le terrain. Les aides n'aident donc pas vraiment la compétitivité de l'industrie française ou européenne.

Ce point de vue favorable aux offres américaines sera confirmé par les entreprises utilisatrices du CAC40, regroupées au sein du CIGREF, pour qui les technologies américaines sont des "standards" du marché, ce qu'elles ne sont pas en réalité.

Pour comprendre comment on en arrive à une telle situation, il faut avoir en tête le fait que, peu ou prou, les aides sont limitées au montant des quasi-fonds propres d'une entreprise. Si vous avez 1 milliard d'aides à dépenser et que les industriels français, qui sont des PME, totalisent entre eux 100 millions de fonds propres, cela conduit à dépenser 900 millions ailleurs, dans des entreprises de plus grande taille. L'État, au travers des directions de ministères, va alors chercher où placer ces 900 millions. C'est ainsi que l'on retombe toujours sur les mêmes : Orange, Capgemini, Thalès, Atos, etc. qui ont fait préalablement l'objet d'intense lobbying de la part des industriels américains et considèrent que pour satisfaire leur marché mondial, il vaut mieux s'appuyer sur la force du marketing des industriels américains que sur l'avance technologique des PME françaises. Ce point de vue favorable aux offres américaine sera confirmé par les entreprises utilisatrices du CAC40, regroupées au sein du CIGREF, pour qui les technologies américaines sont des "standards" du marché, ce qu'elles ne sont pas en réalité.

Ce qui arrive dans la 5G chez Orange arrive également dans le cloud. Plutôt que de soutenir la centaine de technologies européennes de cloud, Orange, dont l'État est actionnaire, soutient maintenant les technologies de cloud de Microsoft après avoir soutenu celles de Huawei et VMWare.

Pendant que Thalès vante Google à l'export,
Rapid.Space exporte des technologies souveraines de edge computing.

Et ce qui arrive chez Orange arrive également chez Thalès et dans de nombreuses entreprises du CAC40. Cela fait par exemple 12 ans que Nexedi, l'un des actionnaires de Rapid.Space, a co-inventé le edge computing, une technologie de cloud réparti particulièrement utile dans l'industrie, dans la défense et notamment dans les futurs systèmes de combat aérien. Et cela fait 12 ans que Thalès ne s'en sert pas et préfère désormais s'allier à Google. Résultat : pendant que Thalès vante Google à l'export, Rapid.Space exporte des technologies souveraines de edge computing.

Le cas de Thalès est très intéressant d'ailleurs : son directeur de la stratégie est un ancien de cabinet du ministre de l'Économie à une époque où se préparaient déjà les plans d'accélération et le cloud de confiance. Thalès est par ailleurs un fournisseur des hyperscalers US dans le domaine de la cybersécurité. La genèse de l'annonce du partenariat entre Google et Thalès, soutenue ensuite par le ministre de l'Économie alors qu'existaient de nombreux alternatives technologiques en Europe, mériterait d'être mieux comprise si l'on veut éviter que de telles alliances se reproduisent. Il faudrait également mieux comprendre l'adoption de technologies américaines pour le Health Data Hub alors que des technologies françaises ou européennes plus avancées, disponibles immédiatement et moins coûteuses étaient identifiées à la fois au ministère de l'économie et au ministère de la santé.

En résumé, ce qui bloque sur le terrain, ce sont les procédures d'aide qui favorisent un entre-soi mêlant l'Etat à des groupes industriels français promoteurs des technologies américaines, alors que la compétence et l'innovation sont ailleurs, dans des PME françaises exportatrices. Tant que l'on ne changera pas les mécanismes de politique industrielle, la majeure partie des aides françaises dans le numérique continuera de favoriser indirectement l'industrie américaine.

C'est pourquoi, il est important de penser à d'autres mécanismes, notamment l'achat public, ou à des moyens de contourner la règle des quasi-fonds propres.


4/ Qu'est-ce qui permettrait d'activer utilement le levier de l'achat public en France ?

Commencer par accepter l'idée que nous avons besoin de quotas de technologies françaises ou européennes.

Il existe une dizaine de méthodes juridiques pour y parvenir. L'idée de quotas existe déjà aux États-Unis dans l'achat public ainsi qu'en Chine, en Indonésie, en Turquie, etc. Il existe même des quotas de logiciels américains imposés par les États-Unis au Japon dans le cadre d'accords commerciaux bilatéraux.

Je préfère ne pas rentrer dans le détail des nombreuses méthodes pour parvenir à des quotas de contenus technologiques français ou européens. Parler de méthode à ce stade conduit à un débat sur la méthode et à éviter un débat sur le fond.

Commençons par nous accorder sur la nécessité de quotas, qui ont très bien fonctionné dans le cinéma, la musique en France ou la commande militaire au Japon ou aux États-Unis.

Références :
https://acteurspublics.fr/articles/la-construction-de-notre-independance-numerique-est-une-question-de-volonte-politique


5/ Pourquoi les Français sont-ils à mille lieues de s'imaginer que l'Edge Computing a été inventé par une entreprise française ?

Le edge computing a en effet été inventé avec SlapOS en 2009 par Nexedi et Christophe Cérin de l'Université de Paris 13.

La première entreprise à l'avoir compris est Samsung, moins de 6 mois après, après une publication par le groupe de presse IDG aux Etats-Unis.

Mais, pendant ce temps, l'État et les grandes intégrateurs français du numérique ont dépensé des dizaines ou des centaines de millions d'euros dans la technologie américaine OpenStack, qui n'a jamais vraiment fonctionné.

Le montant du marketing derrière OpenStack, qui se compte en milliards, n'a laissé aucune chance à SlapOS et aux autres technologies européennes (NiftyName, Proxmox, OpenNebula, Gandi, etc.). Comme aujourd'hui, les aides d'État de l'époque ont favorisé une technologie américaine au détriment de plusieurs technologies françaises ou européennes. On retrouve cette analyse dans un rapport de la cour des comptes jugé "trop technique" pour être publié.

Sans une presse d'enquête, il est impossible de développer une industrie indépendante.
Cela suppose de financer cette presse.

Il faut aussi avoir en tête la très forte contraction en 20 ans de la presse professionnelle en France avec, à l'époque, des licenciements. La presse ne disposait plus des moyens d'enquête qui auraient permis de montrer qu'existaient déjà de nombreuses technologies de cloud françaises ou européennes. Le copier-coller de fils de news provenant des États-Unis (IDG, ZDNet) permettait de réduire les coûts et d'éviter la cessation d'activité. 

Sans une presse d'enquête, il est impossible de développer une industrie indépendante. Cela suppose de financer cette presse.

Références :
https://www.reuters.com/article/urnidgns002570f3005978d80025773e004eb5e8-idUS70376855520100614
https://www.nexedi.com/NXD-Blog.Five.Cloud.Evolution
 https://www.zdnet.com/article/suse-drops-openstacks


6/ Vous avez devant vous un enfant de dix ans auquel vous devez vous efforcer de faire entendre les différences majeures entre Euclidia et GaiaX.

Gaia-X, ce sont les entreprises européennes utilisatrices de technologies américaines de cloud qui cherchent des prétextes pour ne pas en changer. Euclidia, ce sont des entreprises européennes créatrices de technologies de cloud qui cherchent le moyen de les faire connaître et utiliser.

Références :
https://www.fdl-lef.org/FDLPress.Relase.Publication.A.European.Cloud.Without.European.Software.Providers


7/ Comment décririez-vous l'incidence de la présence de nombreux "Young Leaders" de la French American Foundation" dans nos élites ?

Les associations transatlantiques sont utiles et nécessaires pour maintenir un dialogue d'égal à égal avec les Etats-Unis.

Mais elles conduisent aussi parfois à la diffusion rapide de contre-vérités au sein des gouvernements français et européens selon les mêmes méthodes que celles qui furent utilisées dans les années 70 et 80 à l'OCDE pour tenter de freiner l'aéronautique européenne.

Quand vous mettez des gens dans un même groupe social et qu'ils ont confiance entre eux, il suffit que l'un dise "les européens ne savent pas faire d'avions" ou "les européens ne savent pas faire de cloud" pour que tout le groupe en fasse une vérité sans en douter un instant.

Aujourd'hui, il existe une croyance erronée chez une partie de nos élites, un peu partout en Europe, selon laquelle il n'y aurait pas de technologies de cloud en Europe. Cette croyance ne résiste cependant pas aux faits.

Dans les années 70 et 80, l'OCDE a tenté de faire croire aux Européens, via divers rapports ou conférences, qu'il ne savaient pas construire d'avions ou de fusées, qu'ils feraient mieux d'acheter leur technologie aéronautique aux États-Unis. L'OCDE était alors une référence intellectuelle quasi incontestable, mais la volonté d'indépendance française dans l'air et l'espace a eu raison de ces tentatives.

Aujourd'hui, il existe une croyance erronée chez une partie de nos élites, un peu partout en Europe, selon laquelle il n'y aurait pas de technologies de cloud en Europe. Cette croyance ne résiste cependant pas aux faits. C'est ce qu'a compris le gouvernement français en passant commande d'une étude visant à identifier la centaine d'acteurs européens à l'origine de technologies de cloud.


8/ Vous avez paraît-il un avis légèrement divergent sur Kubernetes, n'est-ce pas ?

Avant d'utiliser Kubernetes, étudiez bien ses caractéristiques réelles et non ce que l'on vous en dit.
Pourquoi ?

Kubernetes est un logiciel libre issu de Google, mais qui n'est pratiquement pas utilisé par Google. Il présente plusieurs caractéristiques :

Il vous soumet au CLOUD Act, comme cela a été montré récemment par le ministère de la justice des Pays-Bas.

Il coûte cher - prévoir jusqu'à 1 million d'euros pour cloudifier complètement une application d'entreprise en intégrant tout son cycle de vie (build, instantiate, configure, orchestrate, monitor, self-heal, account, bill, end-to-end testing)

Le fait de s'appuyer sur des containers Docker ne garantit ni la portabilité ni l'isolation, et le processus d'upgrade ne permet pas de garantir la reproductibilité; il n'est donc pas possible de garantir un fonctionnement fiable et sûr en multicloud

Il est incomplet - si on ne lui associe pas un OSS/BSS comme Google Anthos, impossible de devenir opérateur de cloud

Plutôt que de céder à la mode, je suggère d'étudier les alternatives européennes, souvent bien meilleures : SlapOS (Nexedi), OpenSVC, Supernova (Clever Cloud), NixOS (Nix), Onteon, etc. Il est d'ailleurs possible d'intégrer Kubernetes à ces technologies européennes, soit pour des besoins d'interopérabilité, soit pour faciliter la migration vers des technologies souveraines et fiables.

J'espère que les aides d'Etat nationales ou européennes contribueront au développement des technologies européennes et ne favoriseront pas une fois de plus une technologie américaine concurrente.

Références :
https://www.quora.com/Does-Google-use-Kubernetes-internally


9/ Lors d'un récent entretien téléphonique avec nous, vous avez évoqué la "fabrique des opinions indéboulonnables" et l'idée selon laquelle nous prenions en France des décisions sur la base de fausses hypothèses. Pouvez-vous illustrer ces deux thèmes ?

Les décisions sur les clouds de confiance, sur le Health Data Hub ou sur les aides d'État "IPCEI" ont été prises de bonne foi mais avec comme hypothèse que les Européens ne savaient pas faire de cloud, ce qui est faux. Ces décisions ont conduit à la promotion de technologies américaines de cloud avec l'argent public au détriment de technologies européennes parfois plus avancées.

L'action de l'Etat affaiblit les fournisseurs français ou européens de technologies de cloud
aussi bien à l'export que sur le marché européen.

Les projets nationaux ou européens étant aussi construits sur la base de technologies américaines de cloud, ils renforcent l'idée dans les ministères ou dans les grandes entreprises que les technologies européennes sont mauvaises ou n'existent pas. Autrement, pourquoi n'ont-elles pas été choisies? Et pourquoi un acheteur public prendrait-il le risque d'adopter des technologies européennes alors qu'elles ne sont fortement présentes dans les projets d'aides soutenus par l'Etat?

C'est ainsi que l'action de l'Etat affaiblit les fournisseurs français ou européens de technologies de cloud aussi bien à l'export que sur le marché européen.


10/ Comment mettre à profit ce qui pourrait être un objectif d'exemplarité de nos ministres ? Qu'est-ce que cela leur couterait de s'engager quotidiennement dans ce qu'on appelle l'advocacy, au service de nos entreprises technologiques, petites et grandes ?

En France, j'ai eu la chance d'être reçu par Cédric O. lors de la visite en France d'une délégation du gouvernement vietnamien. Cela a ensuite aidé Rapid.Space à exporter en Asie. Je lui en suis très reconnaissant.

Aux Pays-Bas, le premier ministre recommande le "Fairphone". Je suis certain que cela a aidé Fairphone à accroître sa légitimité et ses ventes.

Nos ministres devraient se faire prendre en photo le plus souvent possible avec la centaine de PME européennes de technologies de cloud. C'est ce qu'a commencé à faire Jean-Noël Barrot dont le cabinet utilise par ailleurs la messagerie sécurisée "Olvid".

Si chaque ministre de chaque gouvernement européen faisait l'effort de rencontrer un industriel européen du cloud et d'utiliser une technologie européenne de cloud, nous pourrions en quelques mois accroître la légitimité des 300 technologies européennes de cloud déjà identifiées et rassurer ainsi les acheteurs publics ou privés qui aimeraient acheter européen. Ils sont nombreux.

⭕️ Mezze de tweets


⭕️ Hors spectre

Prisonnier militaire français des colonies d'Afrique du Nord

Les institutions passent par trois périodes :
celle des services,
celle des privilèges,
celle des abus.
François-René de Chateaubriand

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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