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« Au nom de l’Europe » : une révolution silencieuse décryptée avant les élections européennes

Le documentaire « Au nom de l’Europe », récemment diffusé, offre un éclairage saisissant sur les transformations profondes qu’a subies la France sous l’égide de l'Union européenne, souvent à son insu. Arnaud Montebourg, figure politique emblématique, affirme que ce documentaire « décortique comment une révolution anti-souveraine silencieuse a eu lieu dans notre pays sans que nous ne nous en rendions vraiment compte »Alors que les élections européennes approchent ce dimanche 9 juin, il est crucial de revenir sur ces changements.

De Gaulle, le CNR et la stratégie de la chaise vide

Charles de Gaulle, chef du Conseil national de la Résistance (CNR) et fondateur de la Cinquième République, a joué un rôle crucial dans la définition de la politique souverainiste française. Profondément sceptique quant à une intégration européenne réduisant la souveraineté nationale, de Gaulle lançait en 1959 à propos de la construction européenne « Oui, c'est l'Europe, depuis l'Atlantique jusqu'à l'Oural, c'est l'Europe, c'est toute l'Europe, qui décidera du destin du monde ! ». Sa stratégie de la « chaise vide » en 1965, où la France s'est retirée temporairement des réunions du Conseil des ministres de la CEE, visait à protester contre les tentatives de supranationalité et à défendre le droit de veto dans les décisions importantes.

Le rôle contesté de Jean Monnet

Jean Monnet, souvent considéré comme l'un des pères fondateurs de l'Union européenne, a joué un rôle plus que discutable dans l'intégration européenne. Pour certains, Monnet a été un véritable traître à la nation française, œuvrant davantage pour les intérêts des États-Unis que pour ceux de la France. Utilisant sa position pour promouvoir une vision fédéraliste de l'Europe, Monnet a favorisé l'ouverture des marchés et la libéralisation économique, souvent au détriment de la souveraineté nationale et des intérêts français.

L'Acte Unique, le Traité de Rome et la fin des monopoles publics

Le Traité de Rome, signé en 1957, a marqué la naissance de la Communauté Économique Européenne (CEE) et posé les fondations de la coopération économique entre les États membres. De Gaulle, bien que pragmatique, a toujours été réticent à l'idée d'une Europe supranationale qui compromettrait la souveraineté française, prônant une « Europe des nations ».

L'Acte Unique, adopté en 1986, a accentué cette intégration en introduisant la libre circulation des capitaux, préparant ainsi l’instauration de la monnaie unique. Cette mesure a conduit à une financiarisation accrue de l'économie européenne et à la fin des monopoles publics tels qu'EDF/GDF, La Poste et la SNCF, détruisant la loi de 1946 qui protégeait ces entreprises.

Traités et Réformes : entre opposition et capitulation

Jacques Chirac, dans une tentative de sauvegarder la souveraineté nationale, s’est opposé aux traités d’Amsterdam et de Nice. Les grèves massives de 1995 symbolisent cette résistance populaire. En 1996, malgré ses réticences initiales, Chirac finit par céder, marquant la libéralisation totale des services publics en 2000. En 2019, les tarifs du gaz ont été alignés sur ceux de l’électricité, une décision prise sans consultation parlementaire ni populaire.

La libéralisation des marchés et ses conséquences

La libre circulation des capitaux a eu des effets dévastateurs sur l'industrie française. Des entreprises emblématiques comme Arcelor, Pechiney, Alstom et Technip sont passées sous pavillon étranger, souvent américain, au détriment des PME locales. La mondialisation, orchestrée par des figures comme Pascal Lamy, ancien commissaire européen pour le commerce, a favorisé une concurrence déloyale, particulièrement visible dans le secteur du transport routier.

L’élargissement vers l’Est : une délocalisation silencieuse

L'élargissement de l’Europe vers l’Est en 2004 a intensifié le dumping social. Les salaires dans des pays comme la Pologne et la Bulgarie restent largement inférieurs à ceux de la France, exacerbant les faillites des PME françaises. En 2019, le coût horaire d’un salarié français était de 47€, contre seulement 8€ pour un Bulgare. Cet élargissement, initié sans consultation de la Commission européenne, a amplifié les disparités économiques et sociales au sein de l’Union.

L’Union Monétaire : une construction allemande et le rôle de Jean-Claude Trichet

Depuis 1983, la monnaie unique était déjà en préparation, dictée par l’Allemagne. Début 1980, le monétarisme entre en jeu aux États-Unis avec la lutte contre l’inflation, prônant une monnaie forte. Cette idée de « franc fort » a été soutenue par Pierre Bérégovoy, mettant fin aux dévaluations de la monnaie. Jean-Claude Trichet, alors directeur du Trésor et partisan du franc fort, a demandé l’indépendance de la Banque de France, plaçant la monnaie au-dessus de la politique.

L’adoption du franc fort a conduit à une récession et une flambée du chômage en France. La dette de la France a doublé en deux ans, atteignant 3000 milliards de francs. Tandis que les autres pays dévaluaient leur monnaie, la France, sous la politique du franc fort menée par Jacques Delors et François Mitterrand, a vu ses marges économiques se réduire drastiquement.

La crise de la souveraineté et le fédéralisme européen

Le traité de Maastricht, signé en 1992, a été un point de basculement crucial. Ce traité posait un problème fondamental, car le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation, comme énoncé dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et réaffirmé par la Constitution française. En 1976, le Conseil constitutionnel déclarait : « La souveraineté […], tant dans son fondement que dans son exercice, ne peut être que nationale. » En 1992, une révision constitutionnelle controversée (« les transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union économique et monétaire ainsi qu'à la détermination des règles sur le franchissement des frontières extérieures des États membres sont autorisés. ») a permis l’adoption de ce traité, malgré les objections initiales du Conseil constitutionnel.

La fin du Franc : une perte d'identité

Le 1er janvier 2002, l'Euro a été officiellement adopté, marquant la fin du franc après 641 ans d'existence. Cet événement symbolique a représenté un changement économique majeur mais aussi une perte d'identité pour de nombreux Français.

Conclusion : une Europe à repenser

Depuis l’adoption de l’euro en 2002, la France a connu une hausse de la dette, une baisse du niveau de vie et une désindustrialisation croissante. L'Union européenne, loin de protéger les intérêts des citoyens, semble de plus en plus être au service des grandes multinationales et des puissances financières. Un tiers des commissaires sous Juan-Manuel Barroso travaillent aujourd'hui pour plusieurs des plus grandes multinationales, principalement américaines. Lui-même travaille pour Goldman Sachs. Actuellement, de nombreux commissaires européens ont travaillé dans les grands groupes, et dans les autres institutions européennes, d’anciens membres de Google ou Facebook occupent des postes de direction. Chaque année, 3 milliards d'euros sont dépensés en lobbying par environ 3000 lobbyistes qui influencent les institutions européennes.

L’Union européenne, telle qu'elle est aujourd'hui, est vouée à l’échec, et les peuples européens continueront de souffrir. Les citoyens n’ont plus leur mot à dire ; ils ont perdu leur souveraineté et la maîtrise de leur avenir et de celui de leurs enfants. À la veille des élections européennes, il est essentiel de se poser des questions fondamentales sur l'avenir de l'Union européenne. Les citoyens sont invités à examiner de près les conséquences de la perte de souveraineté et à envisager des solutions qui pourraient inclure, sans la mentionner explicitement, une réévaluation radicale de notre place au sein de l'Union européenne.

Regagner une pleine souveraineté permettrait de redéfinir des politiques économiques et sociales en accord avec les intérêts nationaux, sans les contraintes imposées par des institutions souvent déconnectées des réalités locales. Les électeurs sont appelés à réfléchir à ces enjeux cruciaux afin de choisir des représentants qui défendront une Europe plus juste, plus souveraine et plus respectueuse des droits et des aspirations de ses citoyens.

Grégory Saccomani
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