Les Américains commencent à se rebiffer contre le géant de Mountain View

La collecte de données à laquelle Google a consacré son activité est étroitement liée à l’actuelle valorisation de sa maison mère, Alphabet, soit plus de 1800Md$. Les hérauts de la privacy ont bien essayé de restreindre l’accès de Google à cette manne, mais l’entreprise continue sans peine de tirer profit de nos activités en ligne.

L’Europe avait jusqu’ici pris le « lead » sur le sujet, avec des avancées défensives notamment sur le terrain réglementaire, avec le désormais mondialement connu RGPD.

Mais voilà que les Américains eux-mêmes se mettent redouter et à combattre leurs propres géants. Des Etats ainsi que des associations de consommateurs s’emploient à changer la donne par la voie judiciaire.

Cette manne qui provient de la collecte des données

Si vous employez le navigateur Chrome en combinaison avec son moteur de recherche, aucune de vos préférences, aucun de vos intérêts ou presque n’échappe à la connaissance de Google. La somme de ces informations vous concernant sont du pain béni pour les marketeux de tout poil, soucieux d’incarner utilement leurs « personas ». C’est la raison pour laquelle cette fonction de courtier en informations permet à Google de profiter des budgets publicitaires mondiaux de manière significative. Les concurrents de Google, mais aussi de Facebook, considèrent dans leur majorité que les tombereaux d’informations récoltées par ces géants leur confèrent un avantage concurrentiel quasi-inamovible.

Ce leurre que constitue la navigation en mode « privé

En début d’année, quelques Etats américains sont montés au créneau. Le Texas, Washington et l’Indiana ont séparément poursuivi Google en justice, pour un motif semblable  : Google inciterait les consommateurs à indiquer leurs données de géolocalisation dans le seul but de favoriser le ciblage publicitaire. Deux plaintes collectives ont également été déposées au nom et pour le compte de millions d’utilisateurs de Google. Ces dernières allèguent que Google recueillerait secrètement nos données par l’intermédiaire de son navigateur Chrome. Et l’une d’entre elles dénonce le fait que suit les « éléments les plus intimes et potentiellement embarrassants de votre navigation sur l’internet », même en mode « privé » (sic), qui est supposé préserver la confidentialité de la navigation. Et l’autre entend faire reconnaître que Google récolte même les données que les utilisateurs ont choisi de ne pas « synchroniser » à dessein, avec leurs autres terminaux. Assez naturellement, le géant de la tech nie en bloc et se dit tout à fait respectueux des lois californiennes sur la protection de la vie privée, autant que des lois fédérales sur les écoutes téléphoniques. Ce sont, avance la société, les consommateurs qui auraient présenté lesdites fonctionnalités et leurs modalités  de contrôle par l’utilisateur, de manière inexacte.

Deux possibles « class actions » en mai et septembre prochains

Si d’aventure ces plaintes accédaient au statut de recours collectif et allaient jusqu’au procès, l’enjeu serait considérable pour Google. Il pourrait en effet se voir imposer par les tribunaux une limitation de sa capacité à collecter des données. Mais l’inconnue demeure le montant (sans doute considérable) des dommages intérêts auxquels sera astreint Google. Les analystes tablent sur un montant de 1.000$ par utilisateur, ce qui est évidemment une somme dérisoire au regard des enjeux impliqués. Mais multipliée par combien d’utilisateurs ? Pourtant, les « Big Tech » ont acquis, en vertu même (si l’on ose écrire) de leur modèle économique, des réserves phénoménales qui les mettent à l’abri de tout affaiblissement réel lié à la réparation de leurs méfaits. Que les lecteurs veuillent bien se rappeler la chute du cours de l’action de Meta, qui a fait perdre 230 milliards de dollars à sa valeur boursière en février. Cette décote spectaculaire n’ pas été motivée par les pratiques douteuses de l’entreprise en matière de collecte de données, mais bien par des inquiétudes liées au ralentissement de la croissance de ses utilisateurs.

Les plaignants dans le procès lié à la fonction « synchronisation » de Chrome attendent une audience fixée au 31 mai. C’est ce jour qu’is sauront s’ils ont obtenu le fameux statut de « class action » qui les habilitera à représenter des millions d’autres utilisateurs. Les plaignants dans le cadre de la requête sur le « mode privé » de la navigation sous Chrome devront quant à eux attendre septembre.

D’ores et déjà Sunda Pichai, le CEO d’Alphabet, est attendu à cette audience pour un interrogatoire sous serment.