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La France va-t-elle se doter d’un système d’exploitation souverain ?

Le gouvernement chinois l’a annoncé avec fracas, la Chine est déterminée à se passer de Windows, le populaire système d’exploitation de Microsoft. Cette déclaration, à vrai dire, fait suite à la menace du gouvernement américain de ne plus autoriser les Chinois à utiliser Windows. On ne sait donc pas exactement qui quitte qui…

Cette information, sortie il y a quelques semaines, aurait ressemblé à un scénario de politique fiction il y a seulement une dizaine d’années. C’est pourtant notre réalité : la technologie est devenue un sujet politique. Et chaque Etat ou groupement d’Etats y va de « je te quitte » à « je t’interdis d’utiliser mon logiciel ».

La Russie a interdit Facebook et Instagram pour cause « d’extrémisme » le 21 mars 2022. La Chine bloque Google depuis 2012. De son côté, les Etats Unis ont interdit la vente des smartphones Huawei le 26 novembre 2022. Et le 24 février dernier, la commission européenne a interdit à ses employés l’usage de l’application chinoise TikTok.

Au Maroc, le MCBI propose désormais un OS souverain baptisé Atlas OS qui répond à la fois à une commande publique et à un engouement du secteur privé pour accélérer sur le commerce international, mais sans perdre le contrôle de ses données.

Derrière ces OS souverains se cache en réalité une simple variante de Linux aux couleurs du pays, sécurisée, bénéficiant de ses propres mises à jour et construite pour répondre aussi bien au marché privé qu’à la commande publique.

Mais au fait, que se passe-t-il au pays magique des technologies ? Il semble que la douce utopie d’un monde globalisé où toute distance est abolie est en train de disparaître au profit d’un monde de frontières et de blocs souverains.

Comment en est-on arrivé là ?

Internet est synonyme depuis sa naissance dans les années 1990 de liberté individuelle. Chacun va où il veut, utilise les logiciels qu’il veut, fait ses courses où bon lui semble. Mais cette belle utopie d’un monde sans frontières est en train de disparaître progressivement. C’est que derrière la liberté bien réelle des individus se cachent des enjeux économiques puissants. L’enrichissement des uns et l’appauvrissement des autres a fini par réveiller les politiques les plus réticents à l’idée de frontière digitale.

D’abord la mondialisation en général laisse les européens sur leur faim. Elle profite surtout à la Chine et aux Etats unis. Le PIB des Etats Unis.

« En quinze ans, le PIB par habitant des Etats-Unis a crû 60 % plus vite que celui des habitants de l’UE. Et le Mississippi, Etat le plus pauvre des Etats-Unis, a un PIB par habitant plus élevé que celui de la France. » rappelle André Loesekrug-Pietri, dans une tribune du Monde ce 21 juillet.

Il met directement en cause notre faiblesse à juguler la domination des géants de la technologie américains.

D’autre part, chacun réalise que les données sont le nouvel or blanc et que la captation de données correspond ni plus ni moins à une fuite de valeur et même de capitaux. Or il est difficile de réguler la circulation des données car elle est invisible, les serveurs sont inaccessibles, les algorithmes secrets.

Dans ce monde en pleine réorganisation, les systèmes d’exploitation (Windows, Mac OS…) occupent une place centrale car depuis 2010, ils s’appuient sur le cloud, donc ils copient vos données aux Etats Unis. Il n’y a pas d’autre moyen de sortir du cloud US que de changer de système d’exploitation. Et depuis l’éclatement de l’affaire de la CIA en 2013, révélé par Edward Snowden, nous savons que le gouvernement américain collabore avec Microsoft pour exploiter ces données, y compris à des fins économiques.

C’est ce que les chinois ont compris en lançant leur propre moteur de recherche puis leur propre système d’exploitation. Celui-ci est baptisé KYLIN, déjà utilisé par 90 % des fonctionnaires de l’État. Comme toujours en Chine les décisions prennent peu de temps à se matérialiser.

Au Maroc, The Morrocan Center for Business Intelligence sort un système d’exploitation souverain qui suscite l’intérêt des autorités. Nul doute que le Maroc, qui a voté dès 2009 une loi stricte sur la souveraineté des données, basculera dans un système d’exploitation souverain dans les prochaines années.

En France, il y a peu de débat en France sur la nécessité d’un système d’exploitation souverain. Au contraire, Windows équipe 85 % des PC dans l’hexagone. Mais la France pourrait être entraînée dans cette évolution par des voisins moins patients.

En 2017, l’autorité néerlandaise de protection des données accusait Microsoft de récolter des données personnelles au prétexte d’améliorer la qualité du service.

Le 15 juillet 2019, l’Allemagne a interdit l’usage de Windows et de Microsoft 365 dans l’ensemble de ses écoles en raison du non respect de la RGPD par l’entreprise américaine.

Et le 13 juin 2022, le gendarme suisse de la protection des données considère qu’un organe fédéral ne peut pas, dans le respect du droit applicable, utiliser la suite office de Microsoft dite Microsoft 365 dans la mesure où celle-ci stocke les données aux Etats Unis.

Le point de bascule pourrait toutefois ne pas être politique, mais économique. Dans une récente tribune au Figaro, le chef d’entreprise Antoine Dubosc constate que la France a tout à perdre à fonctionner comme une colonie numérique des Etats Unis. A commencer par sa compétitivité. Il plaide pour une souveraineté numérique de la France et de l’Europe.

A vrai dire c’est cette petite voix de la souveraineté qui commence à résonner sur l’ensemble de l’échiquier politique et qui pourrait faire basculer l’opinion.

Le problème, il est vrai, n’est pas technique mais presque exclusivement psychologique. La plupart des gens ne comprennent rien à leur ordinateur et sont principalement soucieux que rien ne change par crainte de perdre le contrôle de la machine.

C’est d’ailleurs pourquoi plusieurs sociétés européennes se sont lancées dans la fabrication de systèmes d’exploitation souverains qui imitent Windows le plus possible afin de ne pas perdre les utilisateurs.

Aujourd’hui, une des solutions les plus célèbres s’appelle Zorin. Elle remplace Windows de façon pratiquement indolore et peut être adaptée au contexte souverain de chaque pays puisqu’elle ne stocke aucune donnée en dehors du PC. Zorin est lui-même basé sur Linux, comme l’est la solution chinoise Kylin.

Nous sommes donc arrivés dans un monde où il est possible et confortable de passer de Windows à Linux de façon lisse et transparente. La montée en puissance du souverainisme technologique renforcée par le cadre juridique européen favorisent et facilitent cette migration. Or quitter Windows est le premier pas de notre souveraineté technologique puisque ce système d’exploitation exporte nos données. Il faut attaquer le mal à la racine.

© Thomas De Praetere, CEO, Dokeos, le 2 août 2023

 

 




Défense du souverainisme

Sur la question de la souveraineté, et le courant de pensée sous lequel un certain nombre de ses défenseurs ont choisi de se placer, Grégory Saccomani, passionné par le sujet, considère ici qu’est venu le temps d’une salutaire clarification.

Habituellement discret sur les réseaux sociaux quant aux sujets politiques, je ne peux plus rester silencieux face aux confusions et aux idées préconçues autour de la notion de « souveraineté ». Si elle est encensée dans le contexte de la souveraineté numérique, pourquoi est-elle souvent diabolisée dans d’autres domaines ? Une question de cohérence s’impose.

En ces temps où les débats politiques occupent l’espace médiatique, il est essentiel de démêler les clichés et les préjugés qui entourent le concept de souveraineté. Alors que je suis passionné par les enjeux de la souveraineté numérique, je constate avec étonnement que le terme est souvent mal compris, voire détourné de son sens véritable lorsqu’il est abordé dans d’autres contextes.

La souveraineté, qu’elle concerne la protection des données ou les choix politiques, est avant tout une question de liberté et d’indépendance. Elle permet aux individus, aux entreprises et aux nations de prendre des décisions autonomes et de défendre leurs intérêts communs. Il est donc crucial d’adopter une approche cohérente et de ne pas céder aux préjugés lorsque nous abordons le sujet de la souveraineté.

Aujourd’hui, je souhaite apporter ma contribution à ce débat en partageant des réflexions éclairées sur la notion de souveraineté et en invitant chacun d’entre vous à remettre en question les idées reçues qui peuvent fausser notre compréhension. Ensemble, explorons les multiples facettes de la souveraineté et discernons la réalité de la confusion.

Le souverainisme n’est pas une nostalgie, c’est une exigence », souligne Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre français. Préserver les intérêts nationaux et la volonté du peuple est primordial.  

« Le souverainisme, c’est la possibilité de tracer une ligne rouge, c’est de protéger l’identité de la nation », déclare François Bayrou, leader centriste. Préserver notre souveraineté garantit notre identité et nos valeurs.

« Le souverainisme, c’est la capacité à décider de son destin », affirme Arnaud Montebourg, ancien ministre français. Prendre des décisions autonomes façonne notre avenir économique, social et politique.

En conclusion, « La souveraineté nationale est le complément indispensable de la liberté des peuples et de l’indépendance des nations. » – Charles de Gaulle. C’est une vision partagée pour préserver notre indépendance et décider collectivement de notre avenir.

Grégory Saccomani




L’intelligence française face à ChatGPT

Thomas Fauré, président-fondateur de la plateforme collaborative souveraine Whaller appelle à une rupture avec le mimétisme technologique qui conduit notre pays à n’envisager l’innovation que dans un rapport de réplication avec les percées américaines.

À intervalles réguliers, la France assiste, émerveillée, à l’avènement d’une avancée technologique porteuse de la promesse d’une « disruption », c’est-à-dire d’un bouleversement général de notre manière de percevoir ou de modifier nos conditions d’existence. Sans nier les mérites de ces innovations souvent venues d’outre-Atlantique, est-il encore permis de s’interroger sur la sidération avec laquelle nous les épousons d’emblée et les déclinons sans recul, au risque de nous disperser et de ne pas nous consacrer nous-mêmes à des développements plus personnels, plus nécessaires ou plus profonds ?

Depuis quelques mois, il est devenu impossible d’ouvrir un journal sans tomber sur un article consacré à une certaine intelligence artificielle générative prétendument capable de réfléchir – ou de travailler – à notre place. C’est presque une gageure de parvenir à ne pas la citer. ChatGPT est littéralement partout ! ChatGPT (pour Generative Pre-trained Transformer, comprenez «transformateur génératif pré-entraîné), est un logiciel créé par l’entreprise OpenAI, en collaboration avec Microsoft. Puisqu’elle est aussi appelée « agent conversationnel», demandons-nous un instant si la France manque à ce point de conversation pour ne plus jurer que par elle…

La France coincée entre le psittacisme et l’antonomase

À peine mis à disposition sur Internet, nous nous sommes rués sur ce nouvel outil tellement fascinant. Mais il nous a fallu assez peu de temps pour qu’en France, chacun se demande quand nous aurions notre « propre ChatGPT ». C’est hélas l’un des aspects de la course au progrès menée par les Etats-Unis : le psittacisme de la France qui se presse d’adopter les nouveautés venues d’outre-Atlantique. Et elle les épouse plus encore dans leur « narratif » que dans l’usage qu’elle en fait à proprement parler. Il faut donc nous interroger sur notre disposition à accueillir avec un égal enthousiasme, tout ce qui vient de l’extérieur de la France, y compris quand la nouveauté en question porte un tel nom !

De manière spontanée, et par antonomase, nous n’évoquons plus qu’une dénomination commerciale pour désigner ce qui n’est en fait que l’expression particulière d’une technologie née, au moins dans ses fondements, il y a plus de soixante-dix ans. C’est alors que nous nous croyons obligés, dans un double mouvement d’orgueil et de sujétion, de lancer notre propre « ChatGPT », un peu comme, quelques temps auparavant, nous nous étions assigné l’impérieuse mission de donner vie à nos propres « Facebook », « Google » ou plus récemment « Métavers » français. Or nommer ces percées relatives (elles ne sont souvent que l’aboutissement de longs travaux associant chercheurs et nations) c’est déjà attribuer à nos concurrents américains un avantage compétitif difficilement rattrapable. Le nom de la mariée est désormais sur toutes les lèvres, et il est trop tard pour attirer son attention.

Google n’a pas tardé à sortir Bard pour riposter. Et il existe paraît-il « une sorte de ChatGPT français » (sic) dont le nom est Bloom. Qui ne voit que le fait de présenter ainsi cette autre IA affecte ab initio ses chances de percer ? Par ailleurs, on apprenait récemment que LLaMA, le concurrent de ChatGPT proposé par Facebook, avait été conçu par 14 personnes dont 11 ont fait leurs études en France (Polytechnique, Normale Sup). N’est-ce pas délicieusement ironique ? »

« C’est juste que c’est bien présenté »

Pourtant, en matière de technologies, « ChatGPT n’est pas particulièrement innovant », déclarait en début d’année Yann Le Cun, père du « Deep Learning » et regretté transfuge breton du vaste mercato technologique mondial. « Il n’y a rien de révolutionnaire, même si c’est la façon dont le public le perçoit. C’est juste que c’est bien présenté », ajoutait-il, avant de préciser quelques semaines plus tard que les modèles derrière ChatGPT auraient « une courte durée de vie ».

« C’est juste que c’est bien présenté ». Fions-nous à cette appréciation. Les États-Unis possèdent sur nous un avantage considérable : ils savent financer mais ils savent surtout raconter une histoire et susciter ainsi une adoption massive. Quelques 166Md$ ont été levés aux États-Unis entre 2020 et 2022 contre 52Md pour la France. Il faut ajouter à cet état de fait la synergie du l’éco-système public-privé aux États-Unis, la force de leur commande publique, l’articulation entre la recherche et l’entrepreneuriat, la mutualisation des efforts de R&D avec la BTID, l’assomption d’un patriotisme économique sans scrupules. Mais le fin mot de l’histoire tient sans doute effectivement au fait que « c’est juste bien présenté ». Qui écrivait que l’éloquence était l’art de réduire les autres au silence ? Et s’il en allait de même avec le marketing ?

Illustrons notre propos. Pendant ce temps, une équipe de trois laboratoires du CNRS, le CEA Leti et la startup Hawaï, a mis au point un prototype de machine qui réalise une tâche d’intelligence artificielle (reconnaître un geste humain) en utilisant des milliers de fois moins d’énergie qu’une solution traditionnelle. Qui en parle ? Comment raconter cette histoire ? Comment nommer cette invention ?

Simultanément, laIxana, une société américaine annonce qu’elle propose désormais de transmettre des données personnelles, uniquement par la conductivité du corps humain ; Une nouvelle technologie qu’elle a baptisée « Wi-R ». Et nous risquons sans doute d’en entendre parler copieusement.

De l’imitation à la rupture

Par-delà les qualités indéniables des innovations qui nous viennent du monde, et tout particulièrement des États-Unis, nous devons nous interroger sur l’état de subjugation dans lequel la France les accueille immanquablement, juste avant de leur emboîter le pas. Dans leur foulée, des tombereaux de liquidités financent des projets somptuaires qui sont souvent, ab initio, promis à l’échec pour une raison simple. La posture même de l’imitation les condamne à manquer du souffle ou du génie qui a suscité la création du modèle pris en exemple.

Tout le temps consacré à cette contrefaçon, à cette réplication industrielle, tout l’argent investi à son service, sont perdus et manquent hélas au développement de nouveaux projets. Cela relèverait presque de la diversion. Aujourd’hui Facebook / Meta a remisé au grenier des inventions sans lendemain son projet de Métavers, non sans y avoir laissé des sommes considérables. L’entreprise se garde bien de communiquer sur le sujet. Et, par la vertu du palimpseste informationnel, couvrira bientôt cet échec par l’annonce d’un nouvel accomplissement. Mais sait-on exactement quel budget Carrefour a investi dans son Métavers régressif et copieusement moqué sur la toile ? Et l’avenir promis à cet investissement au détriment d’autres projets (d’autres métavers puisque le nom demeurait commun) peut-être plus originaux ou plus efficaces ?

La nécessité du progrès dans laquelle notre société s’est placée nous contraint à une forme de « néophagie ». C’est ainsi, nous ne semblons nous nourrir que de ce qui est nouveau. Mais comme toutes ces nouveautés, en dépit du postulat de la « disruption », ne se produisent fréquemment que par itération linéaire par rapport à de précédentes inventions, rien de vraiment nouveau ni de satisfaisant ne semble se produire.

Que diraient les contemporains des années 30 s’ils entendaient que près d’un siècle après eux, la trottinette, certes électrique, mais quand même, serait tenue pour le mode de locomotion révolutionnaire ? S’est-on jamais interrogé sur la vision qui présidait à notre « progrès » technologique ? Chaque avancée, au lieu de nous amener à un état ou une manière différente de voir les choses, ne fait que nous conforter dans la nécessité de chercher encore plus loin, d’ajouter à notre effort, de manière extensive. Mais jusqu’à quel néant ? Que cherche à atteindre le perchiste qui augmente successivement son exploit par tranches de centimètres ?

Conquérir de nouveaux continents

Notre posture vis-à-vis des États-Unis est d’autant plus inexplicable que nous n’avons pas à rougir de notre capacité à effectuer des percées ou des découvertes. Les nations européennes peuvent ainsi s’enorgueillir (si elles en sont encore capables) sinon d’avoir enfanté seules, au moins d’avoir contribué à la mise au monde de technologies telles que Linux, le premier navigateur Web, MySQL, IRC, Mpeg, Mp3, Docker. Mais aussi de Skype, de Spotify, du CD-rom, du DVD, du Blue-Ray, de Raspberry Pi, du micro-contrôleur AVR, de la fibre optique, de la carte SIM, de l’écran tactile capacitif, du Wi-FI, du téléphone portable ou encore du SMS etc.

Ce dont nous avons à rougir aujourd’hui, c’est peut-être de notre manque d’énergie (du grec ancien ἐνέργεια / enérgeia, la « force en action »), de cet enthousiasme qui prête à l’audace et à l’action originale et, cela va souvent de pair, originelle. Finalement, ce n’est pas d’un nouvel outil, d’une nouvelle technologie dont nous avons besoin. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une vision puissante qui nous détache de la vision incrémentale du progrès américain, avec tous ses référentiels politiques et culturels. Un exemple parmi d’autres : nous ne ferons rien de grand en gardant les yeux fixés sur un indicateur aussi misérable que la capitalisation boursière de nos entreprises. Le terme même de licorne dit bien comment notre pays s’est contenté de s’approprier un anglicisme référentiel (unicorn) au moment où il pensait s’engager dans la course de manière personnelle.

Mais alors, comment faire en sorte que nos jeunes entreprises innovantes ne soient pas contraintes d’aller chercher outre-Atlantique le financement massif dont elles ont tant besoin ? Comment faire pour que notre pays cesse de s’auto-saisir du noble devoir moral que constitue la réglementation mondiale des nouvelles activités ? On a tous connu, enfant, si nous ne l’étions pas nous-mêmes, un camarade un peu chétif ou timoré que la mêlée effrayait et qui se dévouait pour jouer les arbitres. Notre pays se montre particulièrement ambitieux en matière de réglementation. Mais pour filer la métaphore sportive, cela ne doit pas, ne doit plus le dispenser d’entrer dans le match de manière virile.

Aujourd’hui, ça n’est pas d’un nouvel outil ou d’une nouvelle technologie dont notre pays a besoin. C’est d’un nouveau cap, et du souffle pour l’atteindre. Arrêter de suivre un concurrent n’a jamais constitué une ambition en soi. En revanche, aller conquérir de nouveaux « continents » technologiques, où les autres n’auraient pas encore posé le pied, précédés des valeurs morales propres à notre pays, voilà bien une feuille de route qu’il serait exaltant de suivre ! »

Thomas Fauré, président-fondateur de Whaller

 




Souveraineté technologique et souveraineté politique

A l’heure où la France subit les conséquences de la guerre en Ukraine notre vision des risques s’élargit à d’innombrables problèmes, sociaux, alimentaires, énergétiques, politiques, financiers, etc.1 La souveraineté technologique apparait comme la fille de la souveraineté politique. Par exemple, les carences de notre industrie nucléaire renvoient à l’absence d’Etat stratège donc de souveraineté politique.2

Aujourd’hui nous manquent les ingénieurs et les techniciens dissuadés de faire carrière dans cette énergie indépendante des aléas climatiques. C’est-à-dire une technologique souveraine. Paralysés par des alliances politiques de rencontre nos gouvernements successifs ont cédé à des arrangements. Ils ont évité de décider.

Souveraineté technologique et politique vont ensemble. Les Etats-Unis, la Russie, la Chine en sont des exemples. D’autres comme Singapour, le Qatar, la Corée du Sud, le Japon méritent notre attention. Ces expériences nous apprennent que la souveraineté technologique est fille de l’Anticipation. Les technologies naissent de cheminements intellectuels structurés comme la TRIZ.3 Elle naissent aussi de notre intelligence inventive plus spontanée mais tout aussi efficace. 

Par intelligence inventive nous entendons la capacité des organisations à prévoir, à se différencier, à reformuler les problèmes qui parfois sont de faux problèmes. Il faut savoir se diversifier, réveiller des technologies qui dorment dans les cartons.4 La Chine a pu séparer les terres rares grâce aux brevets de Rhône Poulenc. La souveraineté technologique réside aussi dans l’observation des modèles économiques qui excellent dans un autre métier et pourraient secourir le mien en difficulté. C’est que fait Souveraine Tech avec talent et une audience de plus en plus grande. L’idée de départ est devenue avec l’actualité tragique une ressource pour la Nation, les entreprises, les territoires, les filières professionnelles en difficulté. Ce média original et inventif est le creuset d’une France obligée de se réinventer. Il faut du courage et de la persévérance pour conduire cette action révolutionnaire. Merci.

La nature est aussi un livre ouvert sur des technologies naturelles qui inspirent des « inventions artificielles ». La bande Velcro, les fuselages aériens ou maritimes fournissent des exemples.

La France, pays inventif, doit oser les dialogues entre des métiers et des organisations qui ne se parlent pas ! Individualisme destructeur oblige… Notre souveraineté technologique dort au milieu de ces silences invisibles. Lorsque, plusieurs métiers, cultures, expériences, générations, discutent de problèmes et de solutions nous inventons, nous découvrons des applications inattendues. Nous devenons souverains, nous pratiquons une intelligence politique. Enfin !

SouveraineTech et son fondateur,Bertrand Leblanc-Barbedienne tissent ce lien entre ingénieurs, techniciens, élus, chefs d’entreprises, étudiants, citoyens et surtout victimes à venir de la guerre en Europe. C’est dans ce creuset imaginé par eux que naîtront les technologies qui assureront notre indépendance. Qu’ils en soient remerciés et félicités.

Bernard Besson
Ecrivain, formateur,
Directeur scientifique du Comité intelligence économique des ingénieurs et scientifiques de France (IESF)
Membre de la Commission intelligence économique du MEDEF Ile de France.
Membre du Conseil scientifique de SouveraineTech

1 Ukraine : lire et conduire la guerre économique. Diploweb, Bernard Besson, mai 2022

2 Intelligence politique et Etat-stratège, 2022 Bernard Besson et Jean Claude Possin, Amazon et Amazon Kindle

3 TRIZ (acronyme russe de la Théorie de Résolution des Problèmes Inventifs, Teorija Reshenija Izobretateliskih Zadatch.

4 Introduction à l’intelligence économique, Bernard Besson, 4ème édition, 2021 Amazon et Amazon Kindle