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Alstom : une affaire de souveraineté et de loyauté

Une définition de la souveraineté

La commission d’enquête parlementaire visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France est l’occasion de mesurer l’importance des engagements des acteurs politiques et institutionnels, ainsi que les notions de compétence et de loyauté. La récente audition de l’ancien Ministre du Redressement productif (2012-2014), Arnaud Montebourg représente une synthèse incontournable pour qui veut mieux appréhender ce que signifient les notions de souveraineté et de loyauté à la nation. Toutes les auditions sont en libre accès sur le site de l’Assemblée Nationale, nous avons choisi de vous présenter ici deux extraits. Le premier est une définition qui nous semble parfaite de la souveraineté.

Le prix de la loyauté

L’emblématique affaire Alstom, ou la lutte sans merci entre la France et les États-Unis pour le contrôle d’un fleuron français. C’est aussi l’histoire d’un bras de fer entre le PDG Patrick Kron et le ministre de l’Économie d’alors, Arnaud Montebourg. Mais aussi celle d’un homme qui a payé le prix fort pour sa loyauté à la nation. Aux grands hommes la patrie reconnaissante. Idéalement : de leur vivant ?

Bertrand Leblanc-Barbedienne




Notre interview par Devoteam Revolve

La sécurité dans les nuages : l’interview de Souveraine Tech




Notre interview par Liberté Numérique

Liberté Numérique nous a fait l’honneur de nous interviewer. Nous publions ici la première question de l’entretien et vous invitons à en lire la suite sur leur site. 

Bertrand Leblanc-Barbedienne est le créateur du compte Twitter SouveraineTech et de la lettre d’information éponyme qui propose chaque semaine des interviews de haut vol. Il a répondu à nos questions sur la « souveraineté technologique », le contrôle social et les libertés publiques…

Liberté Numérique : Comment est née « SouveraineTech », quelles motivations vous animent, que ce soit sur les réseaux sociaux ou via votre lettre d’information ?

Bertrand Leblanc-Barbedienne :
SouveraineTech ne serait pas née sans mon expérience de directeur de la communication chez Whaller. C’est là que j’ai été sensibilisé aux enjeux de souveraineté numérique par Thomas Fauré, qui préside à la destinée de cette entreprise, et qui en a matérialisé l’idée même avec sa plateforme.

Et puis fin 2019, j’ai entendu le président de la République évoquer le thème à plusieurs reprises. Je me suis dit alors que le sujet allait certainement croître en importance. J’ai donc décidé de m’en emparer et d’en traiter tous les aspects à travers un compte Twitter, pour commencer.

Selon moi, la technologie, c’est le discours sur la technique. Et la technique, ce sont les moyens, les instruments, les outils. Si bien que la souveraineté technologique désigne tous les moyens de rester maîtres de cet outil. On peut ne plus l’être quand cet outil vous asservit. On peut aussi ne plus l’être quand cet outil est conçu ou commercialisé par des puissances étrangères concurrentes et potentiellement hostiles.

Ce sujet de la souveraineté technologique passionne dès lors que l’on intègre que tout est outil parmi les moyens auxquels une communauté doit avoir recours pour subvenir à ses besoins. C’est l’ensemble de ce que l’on appelle la chaîne de valeur, et cela intègre les ressources, les matières premières, la logistique, les réseaux de distribution, mais aussi la propriété industrielle ou le génie propre etc. Voyez, par exemple, selon moi, la langue anglaise est un outil. Qu’est-ce que le recours massif à cet outil en France induit de dépendance, d’acculturation, voire de soumission à un modèle à l’origine duquel se trouvent les pays locuteurs natifs de cette langue ?

L’honnêteté commande de vous dire aussi que j’ai créé SouveraineTech pour m’aider à retrouver une situation, en étant d’emblée dans « l’effectuation » chère à Silberzahn, plutôt que dans la sollicitation. L’idée de départ était de constituer un canal d’information qui cerne bien le sujet et ses acteurs. Cela a plutôt bien marché. Je crois être parvenu à constituer une belle communauté en croissance constante.

Ma plus grande fierté est d’avoir suscité l’intérêt d’acteurs aux vues idéologiques divergentes. Certains parmi eux récusent même l’idée de souveraineté technologique. Je pense aussi être parvenu à rendre justice à ce terme mal compris de souveraineté technologique. Au début les gens vous collent des étiquettes. « Dites moi Bertrand, vous ne seriez pas un petit peu souverainiste par hasard ? » (Horresco referens, naturellement) Ah ce besoin d’ «  ismes » en France, c’est incroyable. La valeur d’un point de vue personnel, chez chacun, c’est précisément la synthèse qu’il est parvenu à opérer entre des expériences, des informations et des idées. Nul n’est idéologiquement fait d’un seul bloc et c’est ce qui fait la richesse de chaque interlocuteur.

Reste que je n’ai sans doute pas choisi le combat le plus facile. Mais l’opiniâtreté avec laquelle je m’efforce de trianguler la notion de souveraineté technologique finit par payer, si j’en crois mes interlocuteurs qui me demandent souvent en DM de « passer » une information. Tout cela a évidemment une valeur que je m’attèle à développer. Des associations ont même été envisagées avec de belles entreprises et des figures attachantes. Mais nous en sommes restés au stade des fiançailles, qui, comme chacun sait, sont faites pour être rompues. Je ne désespère pas cependant de rencontrer des partenaires déterminés, des titres de presse ou des investisseurs qui aient conscience de l’utilité autant que du potentiel de SouveraineTech pour me permettre de lui donner une autre dimension, tout en conservant une certaine liberté de ton. On me reproche parfois ma véhémence. Mais ça n’est souvent que l’expression d’une sainte colère contre des états de faits incompréhensibles. C’est de l’ire !

Enfin, j’ai entamé il y a trente semaines un exercice hebdomadaire d’entretien, qui est diffusé dans notre newsletter. Mes invités sont d’une grande variété : des entrepreneurs, des universitaires, des militaires, des politologues etc. Jamais je n’avais encore été interviewé moi-même. Il fallait que ce fût vous : merci !

Lisez la suite de l’interview sur le site de Liberté Numérique.




Les Américains commencent à se rebiffer contre le géant de Mountain View

La collecte de données à laquelle Google a consacré son activité est étroitement liée à l’actuelle valorisation de sa maison mère, Alphabet, soit plus de 1800Md$. Les hérauts de la privacy ont bien essayé de restreindre l’accès de Google à cette manne, mais l’entreprise continue sans peine de tirer profit de nos activités en ligne.

L’Europe avait jusqu’ici pris le « lead » sur le sujet, avec des avancées défensives notamment sur le terrain réglementaire, avec le désormais mondialement connu RGPD.

Mais voilà que les Américains eux-mêmes se mettent redouter et à combattre leurs propres géants. Des Etats ainsi que des associations de consommateurs s’emploient à changer la donne par la voie judiciaire.

Cette manne qui provient de la collecte des données

Si vous employez le navigateur Chrome en combinaison avec son moteur de recherche, aucune de vos préférences, aucun de vos intérêts ou presque n’échappe à la connaissance de Google. La somme de ces informations vous concernant sont du pain béni pour les marketeux de tout poil, soucieux d’incarner utilement leurs « personas ». C’est la raison pour laquelle cette fonction de courtier en informations permet à Google de profiter des budgets publicitaires mondiaux de manière significative. Les concurrents de Google, mais aussi de Facebook, considèrent dans leur majorité que les tombereaux d’informations récoltées par ces géants leur confèrent un avantage concurrentiel quasi-inamovible.

Ce leurre que constitue la navigation en mode « privé

En début d’année, quelques Etats américains sont montés au créneau. Le Texas, Washington et l’Indiana ont séparément poursuivi Google en justice, pour un motif semblable  : Google inciterait les consommateurs à indiquer leurs données de géolocalisation dans le seul but de favoriser le ciblage publicitaire. Deux plaintes collectives ont également été déposées au nom et pour le compte de millions d’utilisateurs de Google. Ces dernières allèguent que Google recueillerait secrètement nos données par l’intermédiaire de son navigateur Chrome. Et l’une d’entre elles dénonce le fait que suit les « éléments les plus intimes et potentiellement embarrassants de votre navigation sur l’internet », même en mode « privé » (sic), qui est supposé préserver la confidentialité de la navigation. Et l’autre entend faire reconnaître que Google récolte même les données que les utilisateurs ont choisi de ne pas « synchroniser » à dessein, avec leurs autres terminaux. Assez naturellement, le géant de la tech nie en bloc et se dit tout à fait respectueux des lois californiennes sur la protection de la vie privée, autant que des lois fédérales sur les écoutes téléphoniques. Ce sont, avance la société, les consommateurs qui auraient présenté lesdites fonctionnalités et leurs modalités  de contrôle par l’utilisateur, de manière inexacte.

Deux possibles « class actions » en mai et septembre prochains

Si d’aventure ces plaintes accédaient au statut de recours collectif et allaient jusqu’au procès, l’enjeu serait considérable pour Google. Il pourrait en effet se voir imposer par les tribunaux une limitation de sa capacité à collecter des données. Mais l’inconnue demeure le montant (sans doute considérable) des dommages intérêts auxquels sera astreint Google. Les analystes tablent sur un montant de 1.000$ par utilisateur, ce qui est évidemment une somme dérisoire au regard des enjeux impliqués. Mais multipliée par combien d’utilisateurs ? Pourtant, les « Big Tech » ont acquis, en vertu même (si l’on ose écrire) de leur modèle économique, des réserves phénoménales qui les mettent à l’abri de tout affaiblissement réel lié à la réparation de leurs méfaits. Que les lecteurs veuillent bien se rappeler la chute du cours de l’action de Meta, qui a fait perdre 230 milliards de dollars à sa valeur boursière en février. Cette décote spectaculaire n’ pas été motivée par les pratiques douteuses de l’entreprise en matière de collecte de données, mais bien par des inquiétudes liées au ralentissement de la croissance de ses utilisateurs.

Les plaignants dans le procès lié à la fonction « synchronisation » de Chrome attendent une audience fixée au 31 mai. C’est ce jour qu’is sauront s’ils ont obtenu le fameux statut de « class action » qui les habilitera à représenter des millions d’autres utilisateurs. Les plaignants dans le cadre de la requête sur le « mode privé » de la navigation sous Chrome devront quant à eux attendre septembre.

D’ores et déjà Sunda Pichai, le CEO d’Alphabet, est attendu à cette audience pour un interrogatoire sous serment.




Souveraineté technologique : petite éphéméride de la démission

Voilà maintenant de nombreuses années que la fine fleur de notre industrie, de nos services ou de nos OIV (Opérateurs d’Importance Vitale) considère que le meilleur choix à exercer consiste à « remettre les clefs » de notre maison commune à des entreprises américaines ou chinoises. Outre le fait que les motifs qui président à ces choix sont souvent contestables (les technologies françaises ou européennes « n’auraient pas les reins assez solides »), ce palimpseste de décisions déraisonnables place aujourd’hui notre pays dans un préoccupant état de dépendance critique. Le croissant écheveau des moyens de pression qui existe entre nations et grandes entreprises technologiques donne à voir un nouveau visage de la guerre économique. Des pays ont obtenu par voie commerciale un accès privilégié à des informations ou des ressources techniques stratégiques dans d’autres pays, qui sont susceptibles de devenir des ennemis « bien connus ».

En cas de tension, de crise ou de conflit, les grandes plateformes, les fournisseurs de matières premières, de cloud ou de logiciels sont aujourd’hui pris à témoin et sommés par leur propre pays ou par l’opinion internationale de prendre des mesures de rétorsion à l’égard de leurs clients de la veille.

La liste d’une petite centaine de dates, que nous avons publiée sur notre page Linkedin, et qui ne demande qu’à être complétée, donne une petite idée de l’incapacité dans laquelle nous nous trouverions si nos prestataires extra-européens d’hier se trouvaient aujourd’hui associés à une querelle entre notre pays et le leur.