« Après Facebook, Rebâtir », Thomas Fauré

Deux ans après son premier livre paru en 2018, « Transmettez ! », Thomas Fauré, président fondateur de Whaller* signe un nouvel ouvrage qui se lit d’une traite ou presque : « Après Facebook : Rebâtir ». Ce second titre présente de prime abord l’aspect d’une mouture ampliative et actualisée du premier. De nombreux événements se sont produits entre les deux publications, qui sont venus nourrir le propos : la crise du Covid, favorable à la croissance de l’entreprise, une levée de fonds d’un montant de deux millions d’euros, ainsi que de nombreux recrutements.

Douze « saisons » composent l’ouvrage, qui semblent mener des fonts baptismaux de l’entreprise à des considérations inspirées, en passant par les contingences de son histoire matérielle. Ainsi, dans le vacarme du tout technologique, comme il est rafraichissant de lire au coeur du  « manifeste » Whaller : « nous croyons à la nécessité du silence ». Les utilisateurs de la plateforme savent par ailleurs que cette assertion est loin d’être gratuite et commande certaines fonctionnalités, notamment en matière de notifications.

Le lecteur familier du premier opus reconnaitra bien la plume du jeune ingénieur épris de littérature et de poésie, son sens de la formule ainsi qu’un vocabulaire riche et nuancé. Affleure au gré des pages un certain romantisme dans le répertoire, qu’il est inhabituel et pour tout dire assez agréable de trouver entre les lignes de ce genre d’ouvrage. Thomas Fauré, tout feu tout flamme, est bel et bien parti en croisade contre les GAFAM, « protéger la vie privée des utilisateurs ». Et à ses yeux, Whaller est rien moins qu’« une place forte ». Il ne fait pas secret de son admiration initiale pour les patrons des Big Tech, Gates, Zuckerberg et consorts. Mais il dénonce le fait que ce dernier est désormais parjure et a manifestement perdu le contrôle de sa créature, à l’instar du docteur Frankenstein.

Si les « néo-Etats que sont les GAFAM » occupent une grosse partie du livre, les BATX en semblent étonnamment absents. Il est difficilement imaginable que l’auteur ne nourrisse pas à l’endroit de ces derniers quelques griefs, au moins, de même nature, notamment sur la question de la « privacy » chère à ses yeux.

« Après Facebook, Rebâtir » évoque le parcours de l’entrepreneur Thomas Fauré, les sources auxquelles il a puisé  (scoutisme, Ginette, Centrale Lille), les personnes clés, les mentors, les événements mais aussi les revers de fortune et autres frustrations fécondes. Dès les premières pages, deux aspirations profondes apparaissent en filigrane : inventer et bâtir des outils honnêtes et utiles, au service des utilisateurs. Et ça n’est par conséquent pas étonnant que lexique de l’auteur regorge de références à la morale et à la probité. N’évoque t-il pas en toute fin de propos, l’honnêteté, le discernement et le service du bien commun ?

Thomas Fauré milite dans son texte en faveur de la création d’un ministère du numérique « avec ses propres directions d’administration générale ». Il s’y montre favorable au démantèlement des GAFAM et déplore le fait qu’il « manque en Europe les fonds d’investissement capables de mettre plus de 100 millions d’euros dans une startup prometteuse pour permettre son développement et retenir ses talents. » Whaller, par exemple ? : )

Dans l’ombre du patron, ou plutôt à son zénith, la figure du chef est manifestement centrale : à tout seigneur tout honneur, s’impose celle de Vincent Bolloré, au sujet duquel il ne tarit pas d’éloges. Eh puis celle à laquelle il aspire lui-même, dans les pas de ce dernier. L’impressionnante volonté qui le meut n’est manifestement pas dénuée d’une évidente humilité (« qui manque aux jeunes développeurs ») : « J’ai sûrement été au départ un piètre chef, un peu con», avoue-t-il lui-même. Que les témoins de cet âge se taisent à tout jamais. Aux yeux de Thomas Fauré, qui s’inscrit en contre d’une tendance à l’holacratie, le chef doit en effet siéger en haut d’une structure hiérarchique, verticale qui seule permet d’ordonner, non pas au sens de commander mais de « mettre les choses en ordre ». C’est la raison pour laquelle il rapporte avoir « pris tous les codes des grands groupes » qu’il a « adaptés à sa PME ».

Sur la question de la souveraineté, qui nous intéresse plus particulièrement, il est ardu de se faire une idée claire de l’exacte chapelle de l’auteur. « Il n’existe pas de souveraineté européenne » écrit-il page143, avant de souhaiter page 151 que notre continent « soit à nouveau souverain » ou encore d’estimer qu’il n’est « pas trop tard pour que les Européens récupèrent leur souveraineté numérique ». S’il n’existe pas de souveraineté européenne, comment serait-elle susceptible d’être recouvrée ?

Pour conclure, « Après Facebook, Rebâtir » possède de belles vertus apéritives, qui en rendent la lecture très agréable, mais qui donnent surtout envie d’en savoir davantage sur deux sujets : quel est l’homme derrière le patron d’entreprise ? Et à quoi ressemble précisément l’édifice qu’il est en train de bâtir – de parfaire – sur les décombres de Facebook. Voilà sans doute de quoi alimenter chez l’auteur le désir de reparaître en librairie une troisième fois.

« Après Facebook, Rebâtir », 174 pages, publié aux Editions de Passy, 15€

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